Le prédicateur Fethullah Gülen, à la tête de la puissante confrérie islamique qui porte son nom, est mort ce 21 octobre, à l’âge de 83 ans, dans l’État américain de Pennsylvanie où il s’était exilé depuis 1999. L'homme n'avait jamais remis les pieds en Turquie depuis.
Décrit comme un prédicateur, voire parfois comme un gourou, il avait réussi à bâtir un mouvement extrêmement influent pour diffuser sa pensée en s’imposant dans l’éducation et les médias, mais aussi dans les domaines du commerce et de la finance, au-delà des frontières turques. Le gouvernement turc n'a pas réagi à l'annonce de sa mort.
Washington n’a jamais cédé aux innombrables demandes d’extradition du prédicateur formulées par Ankara. Ce dossier épineux est l’une des raisons du froid entre les États-Unis et la Turquie. Autrefois très proches, Erdogan et Gülen se sont brouillés en 2013, notamment à cause de désaccords sur la question kurde et les liens avec Israël. La tentative de coup d’État du 27 juillet 2016, attribuée par le pouvoir à Fethullah Gülen et son réseau, a incité Ankara à lister le mouvement comme terroriste.
Une confrérie présente aux quatre coins du monde
De nombreux partisans du prédicateur islamiste ont alors commencé à émigrer en Europe. Le plus grand contingent de gülenistes se trouve d'ailleurs en Allemagne. Ils bénéficient de plusieurs relais locaux dans de grandes écoles, des think tanks et au Parlement européen. La Turkish Confederation of Businessmen and Industrialists (Tuskon) est proche de certains partis européens.
En 2017, Ankara avait émis un mandat d’arrêt contre un ancien responsable de la CIA soupçonné d’avoir été impliqué dans le putsch manqué de 2016. Sur le territoire turc, les gülenistes sont traqués comme des traîtres. Le MIT (Milli Istihbarat Teskilati), puissant service de renseignement, a même un service consacré à la lutte contre l'influence güleniste.
Tous les pans de la société sont passés au crible: des médias à l’armée, en passant par les hommes politiques. Rien qu’en 2019, 240 000 personnes devaient être traduites en justice. Mais cette chasse à la confrérie islamiste a dépassé le cadre des frontières turques. Erdogan comptait les poursuivre «jusqu’à ce que son dernier membre soit mis hors d’état de nuire», avait-il promis devant son groupe parlementaire en juillet 2021. L’ancien allié et ami d’Erdogan a en effet tissé un véritable maillage associatif, éducatif, culturel et religieux dans plus de 120 pays.