«Plus de pragmatisme», tel est l’appel du ministre hongrois de l’Énergie Csaba Lantos dans une interview au média Contexte publiée le 15 juillet. La Hongrie qui a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE appelle à sortir des «raisonnements idéologiques» en termes de politique énergétique soulignant que certains pays de l’UE «auront besoin d’importations de gaz russe à long terme».
Présentée comme allant «à contre-courant» des Européens, Budapest a acheté 51% de gaz russe de plus en 2023 selon l’Office central de statistiques hongrois. Une «dépendance» qui fait régulièrement les choux gras de la presse occidentale.
Pour autant, la Hongrie n’est pas le seul pays européen à maintenir ses approvisionnements en or bleu russe. C’est également le cas de l’Autriche, à ceci près que cette situation y agace le gouvernement. Le 9 juillet, la ministre écologiste de l’Énergie Leonore Gewessler a ainsi annoncé la création d’une instance «chargée d’examiner le contrat de livraison entre Gazprom et le groupe autrichien OMV» et d'analyser «les possibilités et les risques» en cas de rétractation. «La dépendance au gaz russe demeure une menace pour l'économie et la prospérité», a-t-elle déclaré.
Mi-février, cette même ministre avait appelé à agir afin de diminuer la part du gaz russe dans les approvisionnements du pays. «La diversification de nos importations de gaz progresse beaucoup trop lentement. Cela se traduit par un nouveau record de 98% de gaz naturel russe importé en décembre», avait-elle déclaré à la presse le 12 février. Une hausse en trompe-l’œil, dans la mesure où celle-ci s’explique en partie par la diminution de la consommation de gaz des Autrichiens.
Gaz russe, la «dépendance» de l’Autriche pointée du doigt dans les médias
En vigueur jusqu’en 2040, le contrat «take-or-pay» (clause par laquelle le fournisseur garantit la livraison d’une certaine quantité de gaz payé, que l’acheteur en prenne livraison ou non), signé avec Gazprom porte sur 60 TWh par an couvrant une grande partie de la demande domestique autrichienne. Celle-ci était de 75 TWh en 2023, contre 100TWh l’année précédente.
Malgré cette volonté de Vienne de couper les ponts énergétiques avec la Russie, la poursuite de cet approvisionnement ressurgit régulièrement dans la presse occidentale depuis l’été 2023, date à laquelle ces fournitures d’or bleu avaient été épinglées. En juillet 2023, bien que le gaz russe ne soit pas officiellement sous sanctions, Vienne avait été pointé du doigt pour continuer à importer du gaz russe «à pleine capacité».
Le transit du gaz entre la Russie et l’Autriche (ainsi qu’une bonne partie de l’Europe) pourrait toutefois être mis à mal avec l’expiration le 31 décembre 2024 de l’accord quinquennal entre Moscou et Kiev sur le transit du gaz par le territoire ukrainien. Celui-ci est traversé par le gazoduc Soïouz, le seul à délivrer encore directement du gaz russe à l’Europe
«Le transit par son territoire dépend de l'Ukraine. Elle a ses propres règles. Cela dépend de leur volonté. La Russie est prête à fournir», a déclaré le 3 juillet le vice-premier ministre Alexander Novak.
Le GNL russe dans le collimateur de Bruxelles
En 2021, 34 % du gaz de l'UE provenait de Russie. Deux ans plus tard, ces importations ne représentaient plus que 8% de l’approvisionnement en gaz des Vingt-sept, qui se sont tournés vers d’autres fournisseurs dont les États-Unis. Une diversité que l’on fait valoir aujourd’hui à l’Autriche. C’était toutefois sans compter sur l’essor de celles de gaz naturel liquéfié (GNL)… russe. Une source qui a représenté 6% des importations européennes de gaz.
Entre ces deux années, les importations européennes de GNL russe ont augmenté de 40%, rapportait fin avril Deutsche Welle, soulignant que la France, l'Espagne et la Belgique ont à elles seules pesé pour prêt de 87% de ces importations.
Toutefois, une grande partie de ces importations de GNL serait en réalité du gaz en transit, qui est ensuite réexpédié vers les marchés mondiaux. De par leurs installations maritimes, la France, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique ainsi que l’Italie sont les plus gros importateurs de GNL du bloc européen.
Bruxelles entend toutefois couper court à ces réexportations, les faisant tomber sous le coup de son régime de sanctions anti-russes via son 14e paquet de sanctions. Les États européens pourront toutefois continuer d’acheter du GNL pour leur propre consommation.