En prison, Can Dündar et Erdem Gül ne lâchent pas prise. Incarcérés pour «espionnage», par la justice turque, les deux journalistes ont appelé l’Union européenne à ne pas abandonner la défense de la liberté de la presse contre un accord avec la Turquie sur la question des migrants. «Nous espérons que votre volonté de trouver une solution n'entamera pas votre attachement aux droits de l'Homme, de la presse et d'expression, qui sont les valeurs fondamentales du monde occidental», écrivent Can Dündar et Erdem Gül dans un courrier publié à la veille d'un sommet UE-Turquie à Bruxelles.
Jeudi soir, les deux journalistes de Cumhuriyet ont été inculpés pour «terrorisme», «espionnage» et «divulgation de secrets d'Etat» et écroués pour avoir publié des documents sur des livraisons d'armes par la Turquie à des rebelles islamistes syriens.
Hier, d’importantes manifestations ont eu lieu en Turquie en soutien à ces journalistes. Un millier de personnes se sont ainsi réunies devant le journal turc d'opposition Cumhuriyet à Istanbul. Elus, journalistes et intellectuels ont critiqué le président Erdogan et son gouvernement, ce qui a donné lieu à quelques heurts.
L’affaire est en tout cas suivie de près par l’Union européenne, qui a affirmé «suivre de près» cette situation. Situation inédite d’autant que le président Erdogan a lui-même déposé une plainte contre une des deux journalistes.
L’affaire éclate aussi à un mauvais moment, alors que les dirigeants de l'UE et le Premier ministre islamo-conservateur turc Ahmet Davutoglu se retrouvent dimanche pour un sommet extraordinaire visant à «redynamiser» leurs relations et surtout à «freiner le flux migratoire» vers l'UE. Les deux entités espèrent se mettre d’accord sur un «plan d'action" qui verrait la Turquies'engager à retenir sur son territoire les réfugiés syriens - elle en accueille 2,2 millions - en échange d'une aide financière, de la libéralisation du régime des visas pour ses citoyens et d'un coup de pouce à la candidature d'Ankara à une entrée dans l'UE.
Dans le courier, les journalistes demandent donc aux dirigeants européens de ne pas faire passer ce potentiel accord avant leurs valeurs. «Le Premier ministre turc, que vous rencontrerez ce week-end, et le régime qu'il représente sont connus pour leur politique et leurs pratiques qui ignorent complètement la liberté de la presse et les droits de l'Homme», dénoncent MM. Dündar et Gül dans ce texte écrit en allemand et adressé à Angela Merkel. «Nous sommes jugés et détenus pour avoir usé de ces libertés et pour avoir défendu le droit du public à l'information». Pour ces faits, i ls risquent jusqu'à quarante-cinq ans de réclusion.