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L'Inde reproche le blocage de Washington à l'OMC pour régler les différends

À l'occasion la 13e Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Abou Dhabi, le ministre indien du Commerce Piyush Goyal a expliqué, dans un entretien à l'AFP, que les États-Unis bloquaient l'organe d'appel du système de règlement des litiges commerciaux depuis le mandat d'Obama.

Le ministre indien du Commerce a expliqué ce 28 février, à peine arrivé à la Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), que son pays n'envisageait pas de «finaliser» d'accord tant que Washington bloquerait le mécanisme de l'organisation permettant aux pays de régler leurs différends.

«Nous devons d'abord achever ce qui a déjà été convenu... Ce n'est qu'après cela que nous pourrons examiner de nouvelles questions à l'avenir», a déclaré Piyush Goyal, dans un entretien à l'AFP, au premier jour de sa participation à la 13e Conférence ministérielle de l'OMC qui se tient cette semaine à Abou Dhabi.

Des blocages qui remontent à la présidence Obama

«Il est important que la première question que nous réglions soit l'organe d'appel et certains pays empêchent cela», a-t-il déclaré. Le ministre indien n'a pas nommé les États-Unis mais l'organe d'appel du système de règlement des litiges commerciaux de l'OMC est paralysé depuis fin 2019 à la suite du blocage par Washington du renouvellement des juges, une pratique initiée sous l'administration de Barack Obama et que Donald Trump et Joe Biden ont poursuivie.

Les États-Unis reprochent à l'organe d'appel de trop interpréter les règles de l'OMC, et estiment aussi que les décisions des juges ne devraient pas aller à l'encontre de la sécurité nationale des pays.

En 2022, les ministres des 164 membres de l'OMC sont donc convenus de mener des discussions sur le système de règlement des différends «en vue de disposer d'un système pleinement opérationnel pour 2024».

Mais les discussions n'ont guère avancé, provoquant la frustration de certains pays au sein de l'OMC, une organisation où les décisions sont prises par consensus. «Cela aurait dû être réglé», a affirmé le ministre indien. Mais d'autres pays font valoir que les pays ont jusqu'à la fin de l'année pour régler le problème.

«Je trouve très regrettable que certains pays ne permettent pas à l'OMC de fonctionner pleinement», a souligné Piyush Goyal, expliquant que toutes les décisions prises par l'OMC depuis sa création sont dans les limbes «car il n'existe pas d'instance d'appel».

«Sans organe d'appel, si j'ai un problème avec une nation, je ne peux rien y faire», s'insurge Piyush Goyal

Le dirigeant indien a estimé que «l'ensemble du fonctionnement de l'OMC» était actuellement «quelque peu à l'arrêt». «Sans organe d'appel, si j'ai un problème avec une nation, je ne peux rien y faire. Même si je gagne un jugement, cela n'a aucune valeur», a-t-il remarqué.

Le ministre a également souligné que la remise en état de marche de l'organe d'appel n'était pas une ligne rouge, mais une question d'«importance primordiale».

Interrogé sur les négociations à l'OMC sur la pêche et l'agriculture, Piyush Goyal a indiqué espérer que les pays pourraient «se mettre d'accord sur les questions que certains pays ne parviennent pas à résoudre». Mais il s'agit de «sujets nouveaux», a-t-il affirmé. «Nous devrions en discuter et les finaliser mais nous devrions d’abord nous concentrer sur les questions du passé», a-t-il répété.

Le ministre indien a par ailleurs déploré que les pays ne soient pas parvenus à se mettre d'accord à l'OMC sur une dérogation temporaire aux règles de propriété intellectuelle pour la production des outils de diagnostic et de traitement contre le Covid-19.

En dépit des grincements de dents de l'industrie pharmaceutique et des pays qui l'hébergent, l'OMC avait adopté en 2022 cette mesure pour les vaccins contre le Covid-19. L'Inde et l'Afrique du Sud, porte-voix d'autres pays en développement, avaient demandé que cette dérogation soit étendue à d'autres produits. «Aucun effort n'est fait pour tenir cette promesse», a déploré Piyush Goyal, assurant que le sujet restait sur la table des discussions.