«Le gouvernement a l'intention de cesser de financer l'enseignement en langue russe et de passer à l'enseignement unique en langue estonienne», a déclaré le 15 janvier la Première ministre estonienne Kaja Kallas devant le Parlement, où elle exposait la politique du gouvernement.
Auparavant, elle avait estimé nécessaire de «ne pas russifier les petits Estoniens», indiquant que le gouvernement travaillait à ce qu'il n'y ait plus «deux systèmes différents». Qualifiant le double système éducatif du pays comme un «gros problème», elle jugé qu'une telle mesure aurait du être menée «il y a très très longtemps». Et de conclure qu'il «valait mieux agir tard que jamais».
Il ne s'agit pas ici du premier épisode de remise en cause du russe en Estonie. Avant-dernier épisode en date rapporté par le site Estonian World, les amendements du 19 décembre 2022 à la loi dite «Sur la langue» en vigueur depuis le 1er juillet 2011. La diplomatie russe avait dénoncé dès l'élaboration de cette loi une discrimination visant la minorité russe résidant en Estonie. Le pays compte en effet environ 25% de population russophone.
Une âpre bataille linguistique et culturelle
Alors qu'actuellement, les parents ont le choix de confier leur enfant à une école enseignant en russe ou bien en estonien, cet amendement de 2022 «sur l'enseignement primaire et le collège» prévoit le passage progressif au tout estonien. Jusqu'à maintenant, les jeunes russophones pouvaient recevoir un enseignement dans leur langue maternelle jusqu'à l'équivalent de la classe de troisième. Dès la seconde, 60% des cours avaient lieu en estonien contre 40% en russe. Toujours selon Estonian World, les amendements de décembre 2022 organisent, entre la rentrée 2024/2025 et la rentrée 2032/33, le basculement de tous les niveaux d'enseignement au 100% en estonien.
La tendance à l'éviction de la langue russe va croissant : en novembre 2022, le Parti populaire conservateur d'Estonie avait déposé un projet d'amendement à cette même loi sur la langue, qui proposait d'interdire l'utilisation du russe dans l'espace public, en particulier dans les médias et la publicité. Il prévoyait la possibilité d'une traduction «dans une langue étrangère» à condition que celle-ci soit «autre que le russe». Mais cet amendement n'avait finalement pas été adopté.
Les relations entre Tallinn et Moscou se sont dégradées depuis le début du conflit en Ukraine. Il y a tout juste un an, en janvier 2023, la Russie annonçait l'expulsion de l'ambassadeur estonien, dénonçant la «russophobie totale» de Tallinn, après l'expulsion plus tôt en janvier de 21 diplomates de l'ambassade russe. L'Estonie a répliqué dans la foulée par une mesure similaire.