International

Désaccords sur le prochain budget européen d'aide à l'Ukraine : Peskov parle d'un «tonneau sans fond»

En amont du Conseil européen prévu à la mi-décembre, les dissensions se font jour entre soutiens inconditionnels et réfractaires à la poursuite du financement destiné à Kiev. Des craintes qui s'ajoutent aux incertitudes à Washington.

«On comprend qu'il est de plus en plus dur [pour les Européens] de jeter de l'argent dans le tonneau sans fond ukrainien», a répondu Dmitri Peskov le 4 décembre à des journalistes qui l'interrogeaient sur les incertitudes autour de la future aide européenne à l'Ukraine.

Les 14 et 15 décembre se tiendra à Bruxelles un Conseil européen consacré essentiellement aux conflits en Israël et en Ukraine. En amont de cet événement, le Financial Times a publié le 3 décembre une enquête, citant plusieurs officiels sous couvert d'anonymat, révélant que Kiev pourrait perdre le bénéfice de 50 milliards d'euros qui lui avaient été promis, et qui devaient l'aider à tenir jusqu'en 2027.

La raison en est la difficulté à trouver un accord budgétaire unanime, un objectif qui pourrait s'avérer «très très difficile», selon l'une des sources du journal. Or, un tel retournement menace, toujours selon le FT, l'issue même de la guerre. 

Une fronde réticente au nouveau budget

Toujours selon le Financial Times, le consensus sur l'envoi d'une nouvelle tranche d'aide de 50 milliards d'euros se heurterait d'abord à l'obstacle hongrois. Budapest, dont les relations sont tendues avec Kiev, avait déjà formulé le 10 novembre son opposition à l'entrée de l'Ukraine dans l'UE car celle-ci ne «satisfaisait pas aux critères de l'Union». Autre obstacle : la victoire le 23 novembre aux élections néerlandaises du Parti de la liberté souverainiste et anti-islam de Geert Wilders, opposant à l'aide en Ukraine.

Par ailleurs, en vertu de sa constitution et de sa règle dite «de frein à l'endettement», l'exécutif allemand s'est vue contraint par sa Cour suprême le 17 novembre de ne pas couvrir la rallonge budgétaire sollicitée par l'UE. Or, Berlin est le plus gros contributeur au budget de l'UE (23,6%), et ses réserves pourraient refroidir, selon le FT, l'enthousiasme de l'Union dans son ensemble. 

Aux sceptiques pourrait s'ajouter la Slovaquie, dont le nouveau premier ministre Robert Fico a bloqué une livraison de munitions de 40 millions d'euros au mois de novembre, et plaide pour des négociations de paix immédiates. La Bulgarie, de son côté, est divisée sur le sujet. Son Président Roumen Radev s'est opposé ce 4 décembre à la livraison d'une centaine de blindés à l'Ukraine. 

Se préparer à de «mauvaises nouvelles»

Ces tergiversations interviennent à un moment particulièrement critique pour Kiev qui non seulement a subi l'échec de sa contre-offensive estivale, mais semble particulièrement souffrir sur le front en ce début d'hiver. Dans une interview du président ukrainien publiée le 1er décembre par Associated Press, celui-ci reconnaissait à cet égard, ne pas avoir «atteint les résultats escomptés, c'est un fait», et admettait le même jour que reprendre le Donbass serait «très très très difficile». Aussi a-t-il déclaré de nouveau «craindre» que la guerre entre Israël et le Hamas n'«occulte» le conflit en Ukraine, menaçant de «tarir le flux d'aide militaire occidental». 

La même prudence était de mise le 2 décembre chez le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg lors d'une interview pour le média allemand ARD : «Les guerres obéissent à des phases», a-t-il déclaré . Il a ajouté que «nous devons soutenir l'Ukraine dans les bons et les mauvais moments (...) et aussi être préparés à de mauvaises nouvelles».

Plus encore, la pérennité de l'aide américaine n'est pas non plus garantie, du fait des rapports de force internes.

Le soutien américain en jeu au Congrès

«Le Congrès doit décider s'il faut continuer à soutenir le combat pour la liberté en Ukraine (...), ou s'il ignorera les leçons que nous avons apprises de l'Histoire et permettra à Poutine de l'emporter», a déclaré le 4 décembre lors d'une conférence de presse le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan. Plus tôt le même jour, la Maison Blanche s'était alarmée au sujet de l'aide militaire américaine à l'Ukraine d'«être à court d'argent et bientôt à court de temps».

Le Congrès doit voter avant la fin de l'année de nouveaux financements. Le Président Biden a demandé le 20 octobre aux parlementaires une enveloppe de 100 milliards de dollars pour répondre aux dépenses du pays, en particulier les guerres en Israël et en Ukraine, dont 60 milliards sont destinés à Kiev.