«Si nous acceptions la neutralité, la Russie était prête à mettre fin à la guerre» : dans un entretien diffusé le 24 novembre par la chaîne ukrainienne 1+1, le député David Arakhamia est revenu sur le choix fatidique de Kiev fin de l'hiver 2022, quelques semaines après le début de l'opération russe en Ukraine.
Le parlementaire de la Rada était le négociateur en chef pour la partie ukrainienne lors de pourparlers tenus à Istanbul en mars 2022. Or, il y a près de deux ans, la position de Kiev était bien différente. L'Ukraine envisageait alors d'accepter l'exigence de neutralité de Moscou, en échange de garanties de sécurité, via plusieurs garants occidentaux. Finalement, le refus de Kiev conduisit à la poursuite des combats.
Alors, «pourquoi l'Ukraine n'a-t-elle pas accepté cette clause ?», interroge la journaliste. Hésitant un instant, Arakhamia a répondu que le refus ukrainien reposait d’abord sur la constitution du pays, le projet d'adhérer à l'OTAN y ayant été ajouté comme un objectif stratégique en 2019.
Johnson a poussé l'Ukraine dans le conflit
L'élu poursuit ensuite, évoquant l'absence de confiance envers la partie russe pour respecter l'accord: «nous pouvions le faire seulement à condition d’avoir les garanties de sécurité», estime le député, qui rapporte avoir craint une nouvelle intervention militaire face à une armée russe mieux préparée. Signer n'était donc selon lui «possible qu'à la condition que nous soyons totalement sûrs que cela ne se reproduirait pas». «Et nous n'en étions pas sûrs», rapporte-t-il.
Et Arakhamia d’ajouter enfin un détail d’importance : «Qui plus est, à notre retour d'Istanbul, Boris Johnson est arrivé à Kiev [en avril 2022, ndlr] et il a dit qu’il ne fallait rien signer avec eux et que "nous allions faire la guerre"». L'élu ukrainien confirme ainsi le rôle considérable de l'ancien Premier ministre britannique, qui avait été révélé dès l'été 2022 par la revue Foreign Affairs. En définitive, les Occidentaux, que l'Ukraine espérait devenir les garants de sa sécurité, se sont fait ceux de sa perte en la contraignant au conflit.
Moscou ouvert aux négociations
«La Russie n'a jamais refusé de discuter», déclarait pour sa part le président russe en juin 2023, alors qu'il accueillait à Saint Pétersbourg une initiative africaine pour la paix emmenée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Ce jour-là, Vladimir Poutine avait évoqué les pourparlers d'Istanbul de l'hiver 2022 et brandi un document : «ce projet d'accord a été signé par les autorités des délégations, des signatures ont été apposées». «Ce document s'intitule "Accord sur la neutralité permanente et garanties de sécurité pour l’Ukraine"», avait poursuivi Poutine, évoquant aussi des «annexes portant sur les armements et les effectifs de l'armée».
Interrogé sur cet épisode, Arakhamia n'a pas souhaité confirmer l'existence d'un tel document et les signatures. Il a toutefois estimé que «la clause principale» était alors l’acceptation de la neutralité par la partie ukrainienne, ou de sa non-adhésion à l'OTAN, «comme la Finlande autrefois». «Tout le reste n'était que des éléments de langage politiques comme la dénazification, la population russe, ce genre de chose », a-t-il balayé.
Le refus ukrainien a été résumé par le Président russe devant ses homologues africains ainsi : «les autorités de Kiev, ou plutôt leurs patrons, ont tout jeté à la corbeille», a regretté Vladimir Poutine.