«Dans les conditions d'un règlement durable, la création d’un Etat palestinien ne peut être évitée», a assuré ce 15 novembre Sergueï Lavrov lors d’une interview accordée à RT, alors que les combats déchirent la bande de Gaza depuis cinq semaines.
Selon le ministre russe des Affaires étrangères, «la plupart» des discussions ayant lieu «autour de l’avenir de Gaza évitent de se concentrer sur la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité» visant à créer un Etat palestinien. Etat, dont les frontières «ont été indiquées comme étant celles de 1947», a poursuivi Sergueï Lavrov.
Aux yeux du chef de la diplomatie russe, la priorité demeure la cessation durable des hostilités au Proche-Orient. «Nous avons fermement condamné ce que le Hamas a fait et, en même temps, avons appelé à une réponse proportionnée, en totale conformité avec le droit international humanitaire», a déclaré Sergueï Lavrov à RT.
«Washington ne veut pas lier les mains d’Israël»
Lavrov a par ailleurs regretté que les projets de résolutions en faveur d’un cessez-le-feu ou d’une pause humanitaire à Gaza, portés par la Russie et d'autres pays, aient été rejetés «en premier lieu par les Etats-Unis» au Conseil de sécurité de l’ONU. «Je crois toujours qu'[un cessez le feu] est faisable», a néanmoins estimé le ministre russe, même si selon lui les Etats-Unis «ne lâcheront rien, à l’exception d’une pause humanitaire sans engagement à faire autre chose».
«De nos jours, Washington est hautement idéologisé et tout ce qui vient de Russie est considéré comme une initiative hostile», pense-t-il. «En termes pratiques, Washington ne veut pas lier les mains d’Israël», a-t-il ajouté.
Le ministre russe a pris également le contre-pied de nombre d’observateurs, qui évoquent depuis plusieurs semaines un risque de régionalisation du conflit au regard des affrontements au Sud-Liban ainsi qu’en Syrie et en Irak, où des bases américaines ont été la cible de groupes armés. «Je pense que les gens qui sortent ce genre de scénarios veulent vraiment provoquer une crise plus grave», a balayé le ministre russe. Avant d’enchaîner : «C’est peut-être ce que veulent les Américains.»
«Il n'y a pas d'appétit pour une grande guerre»
«Ni l'Iran ni le Liban ne veulent être impliqués dans cette crise», estime Sergueï Lavrov, évoquant les affrontements répétés à la frontière israélo-libanaise entre le Hezbollah et Tsahal «avant même le 7 octobre». «Il n'y a pas d'appétit pour une grande guerre», insiste Sergueï Lavrov, évoquant le discours d’Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah libanais. «Peut-être qu’ils continueront à mordre les Américains et les Israéliens ici et là», estime le ministre russe, évoquant l’activité des groupes armés au Levant et «certains membres» du Hezbollah. «Mais», développe-t-il, «je ne vois aucune volonté, aucun appétit, ni en Iran ni dans aucun autre pays arabe, pour une grande guerre dans la région».
Même tonalité concernant les attaques contre des intérêts américains au Levant, qui n'ont selon le ministre «rien de nouveau», ces groupes estimant que «la présence américaine en Syrie est absolument illégale». L'armée américaine occupe en effet illégalement plusieurs régions syriennes.
Elle est aussi présente en Irak, où Washington maintient encore plusieurs milliers d’hommes, «sans base juridique solide» selon le ministre russe. En janvier 2020, une résolution du Parlement iraquien appelait Bagdad à expulser les forces armées étrangères du pays, rappelle le diplomate. Celle-ci faisait suite à l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani par les forces américaines.
Retenue n'est pas faiblesse
Pas de guerre donc, «à moins qu'elle ne soit provoquée» prévient toutefois Lavrov: «à moins que Gaza ne soit plus considérée comme un endroit où les Palestiniens doivent continuer à vivre».
Dans la même veine, le chef de la diplomatie russe met en garde contre l’«énorme erreur» qui consisterait à considérer cette «retenue» comme «une faiblesse et un feu vert pour faire n’importe quoi à Gaza».
L'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre a causé 1 200 morts selon l'Etat hébreu. Depuis, dans la bande de Gaza, les bombardements israéliens ont tué 11 320 personnes, majoritairement des civils, parmi lesquels 4 650 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas. Parallèlement, Israël hausse le ton à l’encontre de son voisin libanais, sur fond d’affrontements à la frontière. «Ce que nous pouvons faire à Gaza, nous pouvons aussi le faire à Beyrouth», a menacé le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant le 11 novembre, lors d'une visite dans le nord de l’Etat hébreu.