Des dizaines de soldats israéliens, certains cagoulés et tirant en l'air, ordonnent aux Gazaouis réfugiés dans l'hôpital Al-Shifa de se rendre : la bataille autour du plus grand hôpital de la bande de Gaza se déroule désormais dans ses services et ses étages, a rapporté un journaliste collaborant avec l'AFP sur place.
Des soldats israéliens lancent dans des haut-parleurs, en arabe avec un fort accent : «Tous les hommes de 16 ans et plus, levez les mains en l'air et sortez des bâtiments vers la cour intérieure pour vous rendre.»
Aussitôt, des centaines de jeunes sortent des différents services de l'immense complexe situé dans l'ouest de la ville de Gaza, où se concentrent désormais les combats entre les chars israéliens et les combattants du Hamas, au pouvoir à Gaza, appuyés par leurs alliés du Jihad islamique. Ces deux organisations sont considérées comme «terroristes» par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne.
Selon l'ONU, environ 2 300 personnes, dont des patients, des soignants et des déplacés de guerre se trouvent à l'intérieur d'Al-Shifa, encerclé depuis plusieurs jours par les chars et les transports de troupes de l'armée israélienne.
Générateurs à l'arrêt
Selon les médecins et des ONG internationales, aucun d'entre eux ne peut sortir sous peine d'être visé par des tirs alors que les combats font rage aux alentours.
Ce 15 novembre au matin, des colonnes de Palestiniens, les mains en l'air, convergeaient vers la cour de l'hôpital, arrivant du département des grands brûlés, de la maternité, visée récemment par des tirs d'artillerie, du département de chirurgie ou encore du service des dialyses, rapporte le journaliste.
Un millier de personnes sont désormais sur la grande esplanade du complexe hospitalier, mains en l'air. Certains ont été déshabillés par des soldats israéliens. A l'intérieur, dans les couloirs des différents départements d'Al-Shifa, dont la construction remonte à 1946 et où opèrent des équipes de Médecins sans frontières (MSF), les soldats tirent en l'air en allant de pièce en pièce, recherchant visiblement des combattants du Hamas.
Des femmes, des enfants en pleurs sont fouillés. D'autres doivent passer sous une borne équipée d'une caméra de reconnaissance, les mêmes qui ont été installées le long des couloirs d'évacuation vers le sud de la bande de Gaza, selon le journaliste.
Depuis des années, Israël accuse le Hamas d'utiliser les hôpitaux de Gaza comme des bases, d'avoir creusé un réseau de tunnels sous Al-Shifa et de se servir de ses malades comme de «boucliers humains».
Le mouvement islamiste et le ministère de la Santé à Gaza démentent et ont, à plusieurs reprises, réclamé la visite de «commissions d'enquêtes internationales».
Des chars israéliens sont désormais entrés à l'intérieur du complexe, postés devant différents services, dont celui des urgences.
Ces derniers jours déjà, les générateurs ont cessé de tourner faute de carburant, dont aucune goutte n'est entrée à Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre. Deux jours plus tard, Israël avait imposé un «siège complet» aux 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza.
Israël affirme avoir livré des couveuses
Au moins neuf bébés prématurés sont morts après avoir été sortis de leurs couveuses, tandis que 27 malades en soins intensifs sont décédés parce qu'ils n'avaient plus de respirateur en état de marche, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Une fosse commune creusée dans le complexe renferme déjà «179 corps» selon le directeur de l'hôpital, le docteur Mohammed Abou Salmiya.
L'armée israélienne assure avoir envoyé «des équipes médicales» et des soldats «parlant arabe» pour son «opération ciblée» sur «une zone spécifique» d'Al-Shifa.
Elle a aussi annoncé ce 15 novembre avoir «livré des couveuses, de la nourriture pour bébé et du matériel médical» en marge de son «opération».
Si, chaque jour, l'ONU, des ONG internationales et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) répètent qu'un hôpital «ne devrait jamais être attaqué», pour Israël, l'entrée de ses troupes à Al-Shifa ne viole pas le droit international. Pour le Hamas, c'est «un crime de guerre et un crime contre l'humanité».
Le 7 octobre, le mouvement islamiste a lancé une attaque d'une ampleur inédite en Israël. Environ 1 200 personnes ont été tuées, en majorité des civils, selon les autorités israéliennes. Depuis, l'armée israélienne bombarde jour et nuit la bande de Gaza depuis les airs, la mer et le sol. Plus de 11 000 Palestiniens ont été tués dans ces frappes, selon le ministère de la Santé du Hamas, pour deux tiers des femmes et des enfants.