«Il ne fait aucun doute que le sang versé [le 24 septembre] est une conséquence directe et immédiate de la politique du soi-disant "Premier ministre Albin Kurti" d'incitation au conflit», a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères le lendemain, prévenant que toute tentative d'aggraver la situation serait susceptible d'entraîner «toute la région des Balkans dans un dangereux précipice».
Plus tôt dans la journée, le Kremlin a qualifié ce 25 septembre d’«extrêmement difficile» la situation au Kosovo. «Nous constatons au Kosovo une attitude traditionnellement biaisée envers les Serbes. C'est une ligne traditionnelle, déséquilibrée. La situation est en effet très, très tendue et potentiellement dangereuse», a déclaré le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov, assurant que Moscou suivait «de très près» l’évolution de la situation.
Des déclarations qui surviennent au lendemain d’affrontements meurtriers, dans le nord du Kosovo, entre une trentaine d’hommes armés et des policiers albanais des autorités autoproclamées de Pristina. L’un de ces derniers a été tué tôt dans la journée du 24 septembre aux abords de Banjska, un village de quelques centaines d'habitants majoritairement serbes. En milieu de journée, les individus armés se sont réfugiés à l’intérieur du monastère orthodoxe du village. S’en est suivi un siège de plusieurs heures.
«Trois hommes armés ont été tués, deux hommes armés et quatre suspects ont été arrêtés, ces derniers ont été trouvés en possession illégale de communications radio et sont soupçonnés d'être liés à un groupe terroriste», a annoncé sur Facebook la police de Pristina dans la soirée. Au moment des affrontements, un groupe de pèlerins serbes se trouvait à l’intérieur du monastère. Ceux-ci se sont terrés quand des hommes, masqués, «ont pris d'assaut le monastère dans un véhicule blindé, et ont forcé la porte», selon le diocèse.
Pristina accuse Belgrade «d’encourager les attaques terroristes»
Une «attaque contre la police» condamnée par la diplomatie turque. «Le dialogue est le seul moyen de parvenir à une paix durable et à la stabilité au Kosovo et dans la région», a déclaré le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Tanju Bilgic, dans un communiqué cité par l’agence Anadolu. La Turquie continuera à soutenir ce processus de dialogue», a-t-il poursuivi.
A Bruxelles, le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, a condamné une «attaque hideuse», déclarant que les responsables devaient être traduits en justice.
Un choix de mots qui a fortement déplu à Donika Gervalla-Schwarz, ministre des Affaires étrangères des autorités autoproclamées Kosovo. «Quelle honte», a-t-elle réagi à la déclaration de Josep Borrell, affirmant que celle-ci n'exprimait pas un soutien à la police kosovare et n'utilisait pas le mot «terroristes» pour décrire les assaillants.
A l’annonce de la mort de l’officier de police, le Premier ministre auto-proclamé du Kosovo a immédiatement pointé du doigt Belgrade. «C'est la raison pour laquelle nous demandons à la Serbie de cesser de parrainer les attaques terroristes dans le nord» du Kosovo, a écrit Albin Kurti sur X, alors que «les tirs contre la police se poursuivent». «Ce ne sont pas des citoyens serbes ordinaires du Kosovo, mais des troupes soutenues par l’État serbe qui sont les auteurs de ces attaques terroristes» a-t-il insisté dans un autre message.
Des accusations de soutien au groupe armé fermement démenties par le président serbe Aleksandar Vucic lors d’une allocution télévisée dans la soirée, accusant à son tour Albin Kurti d’être «le seul à blâmer».
«L'un des jours les plus difficiles pour notre pays», estime Vucic
Les Serbes «du Kosovo-Metohija se sont rebellés, ne voulant plus supporter la terreur de Kurti», a déclaré le chef d’Etat serbe, précisant que rien ne pouvait justifier l'assassinat du policier kosovar. Parmi les assaillants abattus, deux l’auraient été par des tireurs d’élite, a ajouté Aleksandar Vucic, qui a estimé «qu'il n'était pas nécessaire de les éliminer». Evoquant «l'un des jours les plus difficiles pour [son] pays», le président serbe a également rappelé la position de Belgrade à propos de Pristina : «La Serbie ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo.»
Les tensions dans la province séparatiste connaissent un vif regain depuis le mois de mai et la décision de Pristina d’organiser des élections anticipées dans des localités majoritairement peuplées de Serbes. Décision elle-même prise suite à une vague de démissions de fonctionnaires et de responsables politiques locaux, en novembre 2022. Ceux-ci entendaient, par leur geste, protester contre la volonté des autorités d’interdire les plaques minéralogiques serbes.
Suite au scrutin, boycotté par les partis serbes et marqué par une abstention record de plus de 95%, les autorités kosovares avaient recouru à la force pour instituer les responsables albanais. Un coup de force qui a valu à Pristina les condamnations de ses alliés occidentaux.
Le Kosovo a proclamé unilatéralement son indépendance en 2008, reconnue par les Etats-Unis et la plupart des pays occidentaux, mais pas par la Serbie, la Russie, la Chine, l’Inde ou encore l’Espagne, mais aussi l'ONU. Pour autant, Belgrade a perdu le contrôle de ce territoire en 1999, ayant été privé du droit d’y déployer son armée par l’accord de Kumanovo, signé le 9 juin 1999 avec l'OTAN à la suite d'une campagne de bombardements de la Serbie qui aura duré 78 jours.