Seize représentants de l'industrie du diamant, dont le leader mondial De Beers, sont farouchement opposés à l'introduction de sanctions contre les diamants russes, selon un article du Financial Times daté du 20 septembre qui se réfère à un «courrier» adressé au gouvernement belge par les diamantaires, auquel il a eu accès.
Les diamantaires réagissaient aux déclarations le 19 septembre à la résidence du consul belge à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, du Premier ministre belge Alexander de Croo. Celui-ci avait alors exhorté le secteur de la joaillerie réuni à cette occasion à «parcourir le dernier mile» pour faire aboutir l'initiative d'interdiction des diamants russes que le G7 envisage de mettre en œuvre.
Le 15 septembre, un fonctionnaire belge ayant préféré rester anonyme avait déjà annoncé à des journalistes de l'agence Reuters qu'une interdiction des diamants russes serait mise en place à partir du mois de janvier.
C'est un épisode supplémentaire au feuilleton des efforts déployés par les pays occidentaux pour interdire ces gemmes russes. Toujours selon Reuters, la société publique russe d’extraction de diamants Alrosa, qui représente 90% de la capacité d’extraction de diamants de la Russie, constitue aujourd'hui 35 à 40% de l’offre mondiale.
Anvers, capitale mondiale du diamant
L'inquiétude des acteurs de l'industrie en Belgique est de voir Anvers détrônée de son rôle de leader mondial au profit de l'Inde ou encore de Dubaï. Quelque 220 millions de dollars de diamants sont échangés chaque jour à Anvers, soit 47 milliards de dollars par an. La ville contrôle 86% du commerce mondial de diamants bruts et 50% du commerce de diamants polis. Elle abrite le Centre mondial du diamant, l'Antwerp World Diamond Centre.
Pour ces raisons, la Belgique joue un rôle central dans les discussions sur l’interdiction des diamants russes au sein du G7 (qui représente 70% du marché de vente) et de l’UE. Selon le Premier ministre belge, le 19 septembre à New York, «les diamants russes symbolisent désormais la guerre et les violations des droits humains». Il a appelé à «rendre le système totalement transparent [...] d'ici le 1er janvier 2024».
La chasse aux «diamants de sang»
Les diamants russes sont ainsi depuis le printemps une nouvelle cible des pays occidentaux pour tenter d'affaiblir l'économie russe et réduire sa capacité à financer ses forces armées engagées en Ukraine. Les Etats-Unis avaient interdit les premiers l'importation des diamants russes sur leur territoire par un décret présidentiel daté du 11 mars dernier.
Le 19 mai, lors du sommet du G7 à Hiroshima, le Premier ministre belge avait ensuite déclaré que «les diamants russes n'[étaient] pas éternels» et que les pays du G7 allaient «restreindre le commerce des diamants russes» pour «couper la Russie de ses sources de revenus essentielles». Néanmoins, les gemmes russes ne figuraient pas dans le onzième paquet de sanctions de l'UE validé en juin.
Mais le 18 septembre, en prévision du douzième paquet de sanctions, la Pologne proposait par la voix de l'Agence polonaise de la presse l'interdiction des diamants russes.
L'idée des Occidentaux serait de mettre en place un nouveau protocole de traçabilité qui s’appuierait sur trois mécanismes de contrôle, dont le processus de Kimberley, un système de certification international établi en 2003 pour endiguer l’afflux de diamants de conflits sur le marché mondial. Selon Reuters, il utiliserait également la technologie de la blockchain.
Une mauvaise solution ?
Malgré ces dispositifs élaborés, certains considèrent cette initiative comme peu efficace et non dénuée de risques, à l'instar de Tom Neys, porte-parole du Centre mondial du diamant d'Anvers. Dans une interview accordée le 23 mai dernier à Euronews, il arguait que ces mesures auraient un «impact nul sur l'économie russe», qui se tournerait simplement vers d'autres acheteurs que les pays du G7. En outre, elle «favoriserait les pays peu regardants sur l'origine des diamants et les filières de blanchiment d'argent».