«Selon le Croissant-Rouge libyen, ces inondations sans précédent ont fait environ 11 300 morts et 10 100 disparus dans la seule ville de Derna», a annoncé le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) dans un point de situation le 16 septembre au soir.
Les inondations ont par ailleurs fait au moins 170 morts dans d'autres endroits de l'est de la Libye, a-t-il ajouté. «Ces chiffres devraient augmenter alors que les équipes de recherche et de sauvetage travaillent sans relâche», a averti l'OCHA.
Pour sa part, le Croissant-Rouge libyen, cité par l’OCHA, a démenti être à l’origine de ces chiffres. «Nous nous étonnons de voir notre nom mêlé à ces chiffres. Ils ajoutent à la confusion, à la détresse des familles des disparus», a déclaré ce 17 septembre son porte-parole à l’AFP.
La tempête Daniel, qui a frappé dans la nuit du 10 au 11 septembre Derna, une ville de 100 000 habitants, a entraîné la rupture de deux barrages en amont, provoquant une crue de l'ampleur d'un tsunami le long de l'oued qui traverse la cité. Elle a tout emporté sur son passage.
Le ministre de la Santé de l'administration de l'Est de la Libye, Othman Abdeljalil, avait fait état le 16 septembre d'un bilan de 3 252 morts. Dans un communiqué publié plus tôt, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait pour sa part affirmé que les corps de 3 958 personnes avaient été retrouvés et identifiés, et que «plus de 9 000 personnes» étaient toujours portées disparues.
Un bilan qui ne cesse de s’alourdir
«La situation humanitaire reste particulièrement sombre à Derna», a affirmé l'OCHA, selon lequel la ville manque d'eau potable et au moins 55 enfants ont été empoisonnés après avoir bu de l'eau polluée.
Sous les décombres de quartiers dévastés par les flots ou en pleine mer, des dizaines de corps sont sortis et enterrés chaque jour au milieu d'un paysage de désolation. Selon les témoignages d'habitants, la plupart des victimes ont été ensevelies sous la boue ou emportées vers la Méditerranée.
Des sauveteurs maltais, qui épaulent les Libyens dans les recherches en mer, ont dit avoir découvert des centaines de cadavres dans une baie, sans préciser l'endroit exact, selon le Times of Malta. «Il y en avait probablement 400, mais c'est difficile à dire», a déclaré le chef de l'équipe maltaise Natalino Bezzina au journal, affirmant que l'accès à la baie était difficile en raison de vents forts. Il a ajouté que son équipe avait cependant pu aider à récupérer des dizaines de corps.
Une équipe de secours libyenne sur un zodiac affirme de son côté avoir vu «peut-être 600 corps» en mer au large de la région d'Om-al-Briket, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Derna, selon une vidéo sur les réseaux sociaux, sans préciser s'il s'agissait des corps trouvés par les Maltais.
Des recherches difficiles
D'autres équipes de secours libyennes et étrangères affirment retrouver des corps chaque jour, mais les recherches sont rendues difficiles par les tonnes de boue qui ont recouvert une partie de la ville. Des secouristes sont obligés la plupart du temps de dégager la terre à l'aide de pelles pour rechercher des corps dans des bâtiments dévastés.
Le travail des secours et des équipes de recherche est par ailleurs entravé par le chaos politique qui prévaut dans le pays depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, [renversé par les puissances occidentales], avec deux gouvernements rivaux, l'un à Tripoli (ouest), reconnu par l'ONU, et l'autre dans l'Est.
Les autorités ont indiqué avoir entamé le processus compliqué d'identification et de recensement des corps, dont plusieurs centaines avaient été enterrés à la hâte les premiers jours.
Othman Abdeljalil a en outre démenti des informations sur une possible évacuation de la ville, affirmant que «certaines zones» seulement pourraient être «isolées» afin de faciliter les secours. Il a ajouté que ses services, en coordination avec l'OMS, allaient «intensifier les efforts dans le domaine de l'assistance sociale et psychologique».
Des échantillons d'eau sont prélevés et analysés chaque jour pour éviter une éventuelle contamination, a-t-il insisté, appelant les habitants de la ville à ne plus utiliser les eaux souterraines.