International

Armes occidentales aux mains de groupes ukrainiens en Russie, Bruxelles s’inquiète

Les saboteurs qui ont attaqué Belgorod le 23 mai étaient équipés d’armes occidentales. Parmi elles, des fusils d’assaut belges, ce qui a causé l’émoi à Bruxelles. Kiev respecte-t-il vraiment ses engagements sur les armements que lui fournit l’OTAN ?

La Belgique veut demander à Kiev des éclaircissements sur les informations faisant état de l'usage d'armes de fabrication belge en Russie par des combattants russes pro-Ukraine, a déclaré le 5 juin le Premier ministre Alexander De Croo. «On demande aux Ukrainiens de nous éclaircir la situation», a dit M. De Croo à la radio publique belge, précisant avoir missionné pour cela la Défense et les services de renseignement.

«La règle est stricte, elle est claire; nos arme fournies à l'Ukraine c'est pour des objectifs défensifs, pour (défendre) le territoire ukrainien», a ajouté le dirigeant libéral flamand.

Des armes belges aux mains de groupes armés ukrainiens liés au néonazisme sur le territoire russe ? C'est une information du Washington Post qui a fait réagir le gouvernement belge le 4 juin. La veille, le quotidien américain a publié une enquête montrant que des armements fournis par les pays membres de l’OTAN à l’Ukraine avaient été utilisés par les groupes armés extrémistes qui ont mené des attaques dans la région de Belgorod, le 23 mai dernier. La «Légion Liberté de la Russie» et le «Corps des volontaires russes», qui se présentent comme opposants russes, auraient mené cette attaque depuis la frontière ukrainienne. Des membres de ces groupes armés ne cachent pas leurs sympathies pour le nazisme et d’autres idéologies extrémistes, précise le Washington Post dans un article relatant ces opérations.

Le ministère russe de la Défense a déclaré le 23 mai dans l’après-midi que les forces de sécurité avaient tué 70 combattants et détruit quatre véhicules d’infanterie, ainsi que cinq camionnettes. Les vidéos prises après l’attaque montrent deux Humvee détruits, des véhicules tout-terrain semblables aux quelque 2 000 4X4 fournis par les Etats-Unis à l’Ukraine.

Fusils d’assaut belges, lance-roquettes US

Un examen plus approfondi des images de ce raid montre également que ses auteurs ont utilisé quatre véhicules protégés contre les mines et les embuscades (Mine-Resistant Ambush Protected vehicles, MRAP), indique le Washington Post dans son enquête. Trois d’entre eux ont été fournis à Kiev par Washington, le quatrième par Varsovie, précise le média américain, qui cite des sources anonymes proches du renseignement américain.

D’autres images montrent les auteurs de l’attaque en territoire russe en possession d’armes individuelles fournies par les pays membres de l’OTAN aux forces armées ukrainiennes. Parmi elles figurent un lance-roquettes antichar de 84 mm AT4, des fusils d’assaut de fabrication tchèque et des fusils d’assaut SCAR de fabrication belge.

Ce sont donc ces armes produites par la FN Herstal qui ont fait réagir les autorités du plat pays : «Ces livraisons sont destinées aux forces armées ukrainiennes pour protéger leur territoire et leur population contre l’invasion russe. C’est expressément indiqué dans les documents accompagnant chaque livraison […] Ces armes ne sont donc pas autorisées pour des groupes isolés qui ont un agenda interne russe», a déclaré une source proche du gouvernement au média belge Het Laatste Nieuws (HLN).

Risque d’escalade

De fait, la présence de matériel de guerre occidental aux mains de milices russes ou russophones, sur le territoire de la Fédération de Russie, remet en cause la réalité du contrôle strict que Kiev affirme exercer sur l’emploi des matériels qui lui sont fournis par les pays membres de l’OTAN. Les Etats-Unis et d’autres pays membres de l’Alliance atlantique ont souligné à plusieurs reprises qu’ils n’approuvaient pas l’utilisation de leurs armes pour des opérations militaires en dehors de l’Ukraine, un cas de figure de nature à accroître les tensions entre les pays occidentaux et la Russie.

Au-delà de ce cas de figure, le flot de matériel de guerre déversé sur l’Ukraine fait craindre un accroissement considérable du trafic d’armes. En juin 2022, Jürgen Stock, patron d’Interpol, craignait déjà que des armements fournis à Kiev ne finissent dans l’économie souterraine et aux mains de criminels. Un risque dont était conscient Washington, qui affirmait n’avoir pratiquement aucun moyen de tracer les équipements fournis aux forces armées de Kiev. Des craintes confirmées depuis, comme le montre l’exemple du Nigeria. Le rôle de l’Ukraine comme plaque tournante du trafic d’armes a d’ailleurs été documenté bien avant le début de la guerre en février 2022.