«Il a été décidé de prolonger de deux mois supplémentaires l'accord céréalier en mer Noire», a annoncé le 17 mai le président turc Recep Tayyip Erdogan. Conclu en juillet 2022, cet accord arrivait à expiration ce 18 mai.
Le Kremlin a confirmé la prolongation, mais dénonce une mise en œuvre «déséquilibrée».
«Nous sommes reconnaissants envers nos partenaires, l'ONU et la Turquie, pour leurs efforts pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale», a réagi dans la foulée sur Twitter le vice-Premier ministre pour la Restauration de l'Ukraine, Oleksandre Koubrakov.
Signé en juillet dernier à Istanbul entre les Nations unies, l'Ukraine, la Russie et la Turquie, l'accord a permis d'exporter ces dix derniers mois plus de 30 millions de tonnes de céréales ukrainiennes, soulageant ainsi la crise alimentaire mondiale provoquée par la guerre.
Il avait précédemment été renouvelé le 19 mars pour 60 jours. En théorie, les reconductions sont censées être valables 120 jours, mais la Russie avait alors insisté sur une prolongation de 60 jours, réclamant le respect de l'autre volet de l'accord, qui concerne ses propres exportations de produits agricoles, toujours entravées par les sanctions imposées par les pays occidentaux après le déclenchement de l'offensive russe contre l'Ukraine en février 2022.
La Russie avait listé cinq exigences pour prolonger l'accord, notamment la reconnexion au système bancaire international Swift de la banque russe spécialisée dans l'agriculture Rosselkhozbank et l'annulation des entraves pour assurer des navires et accéder aux ports étrangers.
Moscou dénonce des déséquilibres
«Nos principales appréciations des accords (...) n'ont pas changé», a réagi le 17 mai la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, alors que Moscou affirme que les exportations d'engrais et de produits alimentaires russes restent entravées. «Les déséquilibres dans leur mise en œuvre doivent être corrigés le plus rapidement possible», a-t-elle ajouté.
De son côté, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a salué devant la presse l'extension pour deux mois du corridor, «une bonne nouvelle pour le monde», selon lui, tout en disant espérer à terme un accord plus large et des réponses aux questions qui restent selon lui «en suspens».
Même amputé d'un quart de ses terres cultivables, avec «une production attendue en 2023 en repli de 50% par rapport à 2021», l'apport ukrainien «reste vital», expliquait à l'AFP Sébastien Abis, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), avant l'annonce du 17 mai.
Martin Griffiths, le chef des affaires humanitaires de l'ONU, s'était inquiété le 15 mai «d'une réduction significative des volumes d'exportations sortant des ports ukrainiens», appelant les parties à «la responsabilité», pour la prolongation d'un accord essentiel pour les pays pauvres.
Poutine a-t-il offert une victoire diplomatique à Erdogan ?
Depuis le 6 mai, aucun bateau entrant (à vide) dans le corridor n'a été inspecté, et les contrôles des navires sortant se font au compte-goutte, selon les données du Centre de coordination conjointe d'Istanbul, en charge des inspections à l'entrée du Bosphore.
L'inspection des navires transportant les céréales, réalisée par des représentants des quatre parties signataires de l'accord, constituait une exigence de Moscou, qui voulait s'assurer qu'ils ne délivreraient pas simultanément des armes à l'Ukraine.
Après avoir atteint un pic en mai 2022, avec un blé à près de 440 euros la tonne sur le marché européen, les cours ont reflué, jusqu'à passer sous leur niveau d'avant-guerre, autour de 235 euros récemment, à la mi-mai.
L'annonce de la reconduction de l'accord, faite par Recep Tayyip Erdogan, arrive à un moment opportun pour le président turc, qui cherchera à être réélu le 28 mai pour un troisième mandat. «Poutine offre à Erdogan une nouvelle victoire diplomatique avant le second tour de l'élection présidentielle», a estimé sur Twitter Emre Peker, du centre de réflexion Eurasia group.