42 200 : c’est le nombre d’entrées irrégulières dans l’Union européenne, via la Méditerranée centrale, recensées par l'agence Frontex entre janvier et avril. Un nombre en augmentation de 300% par rapport à la même période de 2022.
«Je n'ai jamais vu cela auparavant», a déclaré ce 12 mai Hans Leijtens, patron de l'agence européenne des frontières, dans un entretien à l'AFP. Celui-ci ajoute que ces passages représentaient un peu plus de la moitié des 80 700 entrées irrégulières dans l'UE détectées jusqu'à présent cette année. «Surtout depuis la Tunisie, nous constatons en ce moment une croissance de 1 100% par rapport à l'année dernière», a déclaré Hans Leijtens.
Dans un communiqué envoyé à l'AFP, Frontex a annoncé ce 12 mai que le niveau de passages par cette voie était le plus élevé depuis que l'agence a commencé à collecter des données en 2009.
Des passages toujours moins onéreux pour les candidats à l’exil
Selon Hans Leijtens, cette forte augmentation est due au changement de mode opératoire des passeurs, et au prix plus bas d'un passage. «Ils utilisent actuellement de petites embarcations de fortune en métal qui peuvent être produites sur la plage en une journée, 24 heures», et qui coûtent environ 1 000 euros, a fait savoir le chef de l’agence européenne. «Les prix plus bas signifient qu'ils ont besoin de volumes plus importants. Il y a donc une raison pour eux de pousser davantage. Cela peut également expliquer les chiffres actuels», a-t-il ajouté.
Selon le chef de Frontex, les passeurs deviennent de plus en plus organisés et se font concurrence «sans avoir de problèmes avec les pertes humaines». Dans au moins un cas, a-t-il affirmé, un bateau a été coulé par des concurrents.
Des ONG des droits de l'homme, notamment Human Rights Watch, avaient accusé Frontex d'être complice des abus contre les migrants en Libye et de collaborer avec la garde côtière libyenne pour intercepter les bateaux.
«Nous sommes indifférents à qui sauve des vies tant qu'elles sont sauvées»
Selon Hans Leijtens, l'agence ne coopérait en aucune manière avec la Libye. Il a rejeté les accusations selon lesquelles elle favoriserait les refoulements en informant les autorités des lieux où se trouvent les bateaux dans les zones de recherche et de sauvetage européennes.
La mission d'enquête des Nations unies a averti que les migrants bloqués en Libye en essayant de rejoindre l'Europe étaient systématiquement torturés et forcés à l'esclavage sexuel.
«Ce que nous faisons, c'est seulement lorsqu'un navire est en détresse, nous diffusons l'appel de détresse et il est également reçu par les autorités libyennes et tunisiennes», a-t-il déclaré. «Si le centre de coordination convient que ce sera la garde côtière libyenne qui effectuera la recherche et le sauvetage, ils navigueront et sauveront des vies.»
«Le refoulement est quelque chose de complètement différent», a poursuivi Hans Leijtens. «Nous sommes – et cela peut sembler un peu dur – indifférents à qui sauve des vies tant qu'elles sont sauvées», a-t-il ajouté. «Et bien sûr, on espère qu'ils ne finiront pas dans les camps décrits dans les rapports de l'ONU. Et cela représente pour nous professionnellement un véritable dilemme», a précisé le haut fonctionnaire néerlandais.
Arrêt des refoulements : «Nous essayons d'éduquer notre personnel»
Suite à la démission de son prédécesseur, Fabrice Leggeri, le nouveau chef de Frontex, a promis en janvier d'arrêter les refoulements. Il a promis une refonte de l'organisation, accusée de complicité dans des violations des droits de l'homme.
Deux mois après sa prise de fonction, Hans Leijtens a déclaré qu'il «ne pouvait pas assurer» que les refoulements illégaux de migrants ne se produisaient pas dans l'UE. «Bien sûr, je ne peux jamais empêcher les choses de se produire. Je peux créer des conditions où, tout d'abord, nous sommes au courant au moment où elles se produisent, où nous essayons d'être là pour les empêcher de se produire. Nous essayons d'éduquer notre personnel», a-t-il assuré.
Hans Leijtens a déclaré qu'il était en contact avec des ONG qui, dans le passé, avaient dénoncé les actions de Frontex, et qu'il avait essayé d'utiliser son influence dans les discussions avec les Etats membres de l'UE accusés d'autoriser les refoulements.