Les émissaires des deux généraux soudanais qui se disputent le pouvoir ont signé dans la nuit du 11 au 12 mai à Djedda, en Arabie saoudite, un document de quatre pages, dont l'AFP a eu copie, qui évoque l'ouverture de couloirs humanitaires mais ne mentionne pas de trêve, après presque quatre semaines de combats qui ont fait plus de 750 morts, 5 000 blessés et plus de 900 000 déplacés et réfugiés.
Au terme de six jours de négociations sous l'égide de l'Arabie saoudite et des Etats-Unis, les émissaires de l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, ont signé une «déclaration de Djedda pour la protection des civils au Soudan».
Les négociations vont se poursuivre pour parvenir à une nouvelle trêve temporaire permettant l'acheminement de l'aide, pouvant aller jusqu'à dix jours. Jusqu'à présent, Washington et Riyad ont annoncé avoir obtenu des deux camps une demi-douzaine de simples promesses de trêve, jamais respectées.
Un témoin dans le sud de Khartoum a fait état ce 12 mai au matin du passage d'avions de chasse et de bruits d'explosions et de combats. Un autre dans le nord de la capitale a affirmé avoir entendu «des frappes aériennes et des tirs de batteries antiaériennes».
Au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad, des témoins ont signalé des tirs d'artillerie sur la ville d'El-Geneina, auxquels tentaient d'échapper les habitants. La situation est particulièrement sensible au Darfour, déchiré dans les années 2000 par une guerre civile sanglante. Selon l'ONU, 450 personnes ont été tuées à El-Geneina dans les récents combats auxquels participent, outre militaires et paramilitaires, des civils armés et des combattants tribaux ou de groupes armés locaux.
Les couloirs humanitaires facilités
Depuis le 15 avril, les protagonistes s'accusent mutuellement de tuer des civils : l'armée assure que les FSR, dont les bases sont disséminées dans des quartiers densément peuplés de Khartoum, s'en servent comme «boucliers humains» et les FSR dénoncent les frappes aériennes de l'armée sur la capitale de plus de cinq millions d'habitants.
Mais à Djedda, ils se sont mis d'accord pour «créer des passages sécurisés pour que les civils puissent quitter les zones de combats vers la direction de leur choix». Ils se sont engagés à «autoriser et faciliter rapidement le passage de l'aide humanitaire [et] des humanitaires vers et dans le pays».
Au moins 18 employés humanitaires ont été tués jusqu'ici alors qu'ils tentaient de venir en aide à une population traumatisée.
Depuis quatre semaines, des millions de Soudanais, principalement à Khartoum, sont barricadés chez eux, survivant à une chaleur étouffante sans eau courante ni électricité. Partout, la nourriture, l'argent et le carburant commencent à manquer et l'ONU prévient d'une montée en flèche de la faim, un fléau qui afflige de longue date le Soudan, l'un des pays les plus pauvres au monde, ainsi que d'un quadruplement des prix.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 60% des centres de santé à Khartoum sont fermés. «L'OMS est prête à envoyer plus de 110 tonnes de matériel médical d'urgence de Port-Soudan», une ville sur la mer Rouge dans l'est du Soudan, vers d'autres destinations dans le pays, mais a besoin d'assurances sur la sécurité de leur acheminement, a déclaré le 11 mai un porte-parole de l'ONU, quelques heures avant l'annonce de l'accord.
Les Forces de la liberté et du changement (FLC), le bloc civil chassé du pouvoir en octobre 2021 par le putsch des deux généraux aujourd'hui en guerre, ont salué la déclaration de Djedda comme «un premier pas dans la bonne direction».
L'ONU, l'Union africaine et l'Igad, l'organisation régionale de l'Afrique de l'Est dont le Soudan fait partie, ont également salué conjointement cet accord, «un premier pas important pour alléger les souffrances des Soudanais».