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Dilemme cornélien pour Meloni qui lance sa réforme institutionnelle

L'Italie ayant connu 68 gouvernements depuis 1946, Giorgia Meloni souhaite plus de stabilité pour l'exécutif. Après la consultation des différents partis, la Première ministre entend lancer une réforme institutionnelle.

Président à la française ou chancelier à l'allemande? La Première ministre italienne Giorgia Meloni a engagé ce 9 mai la grande réforme constitutionnelle sur laquelle ses prédécesseurs se sont cassé les dents, avec l'objectif de renforcer l'exécutif dans un pays marqué par la valse des gouvernements.

«J'ai le mandat des Italiens» pour lancer le chantier des «réformes institutionnelles dont l'Italie a besoin», a-t-elle prévenu avant de recevoir les représentants des partis à la chambre des députés pour consultations.

Deux options sont sur la table : le présidentialisme, avec l'élection au suffrage universel du chef de l'Etat jusqu'alors élu par de grands électeurs, ou l'élection au suffrage universel direct du président du Conseil (chef du gouvernement), système dit du «premierato».

Un futur référendum ? 

Objectif : stabiliser l'exécutif – «un gouvernement en place pour cinq ans», défend Giorgia Meloni – alors que l'Italie a connu 68 gouvernements depuis 1946...

La première option, calquée sur le modèle français, est réclamée de longue date par Fratelli d'Italia, le parti de Giorgia Meloni. La réforme doit être approuvée à la majorité des deux tiers du Parlement, un obstacle probablement insurmontable compte tenu des divisions à gauche que la dirigeante de droite a promis d'enjamber en convoquant un référendum.

La réforme n'entrerait en vigueur qu'en 2029, à l'issue du mandat du président de la République en exercice, Sergio Mattarella. Issu de la démocratie-chrétienne, il est perçu comme le gardien des institutions face à toute tentation de dérive anti-démocratique de la majorité ultra-conservatrice issue des urnes en octobre 2022.

Dans l'opposition, le Parti démocrate (PD) d'Elly Schlein – qui plaide pour un statut inspiré de celui du chancelier allemand – et le Mouvement 5 Etoiles de l'ex-chef du gouvernement Giuseppe Conte sont contre. Au centre, Carlo Calenda et surtout Matteo Renzi, ancien Premier ministre qui avait échoué à faire passer sa réforme, devraient soutenir Giorgia Meloni.

Dans la majorité, la Ligue du vice-Premier ministre Matteo Salvini pousse parallèlement pour des «autonomies différenciées» entre les territoires de la péninsule. Tirant ses racines de la Ligue du Nord, le parti anti-immigration entend arracher plus de pouvoir et d'indépendance pour les régions septentrionales, beaucoup plus riches que celles de l'Italie méridionale.

Changement de ligne éditoriale à la Rai 

«L'acharnement de ce gouvernement contre le sud de ce pays est incompréhensible», a tonné Elly Schlein, pour qui l'autonomie différenciée risque «d'aggraver les inégalités territoriales» déjà criantes.

Ces consultations interviennent dans un contexte tendu entre majorité et opposition : le 8 mai, le patron du groupe public de radio-télévision Rai, Carlo Fuortes, nommé par le prédécesseur de Giorgia Meloni, Mario Draghi, a annoncé sa démission en raison des pressions exercées selon lui par le gouvernement.

Dans un courrier au ministère de l'Economie et des Finances dont il dépend, Carlo Fuortes dit refuser les changements de ligne éditoriale et de programmation qu'il ne «considère pas dans l'intérêt de la Rai».

Pour la gauche, cette démission est le résultat des manœuvres de l'exécutif – le plus à droite qu'ait connu le pays depuis la Seconde Guerre mondiale – pour placer à la tête du service public de la culture et de l'information des personnalités proches de sa sensibilité politique. 

Et au-delà, des nominations stratégiques sont en cours à la direction de la police nationale et de la police douanière, enjeux de tractations «peu transparentes», relève le quotidien Corriere della Sera.