La police israélienne a attaqué, dans la nuit du 4 au 5 avril, des Palestiniens qui se trouvaient dans la salle de prière de la mosquée al-Aqsa de Jérusalem, un des lieux de culte les plus sacrés pour les musulmans. Plus de 350 Palestiniens ont été arrêtés, selon la police israélienne, qui les a présentés comme des «émeutiers».
Comme le rapporte RFI, au petit matin de ce 5 avril, la police israélienne a décidé d’évacuer entièrement les lieux, chassant tous les fidèles musulmans et les journalistes présents sur place. «Le déclencheur de toute cette répression : la présence continue des Palestiniens dans la mosquée Al-Aqsa», rapporte la radio française de service public. Il s'agit de l'«Itikaf», qui chez les musulmans consiste à passer ses jours et ses nuits dans une mosquée pendant le mois de ramadan.
Les forces d’occupation israéliennes considèrent ces prières continues comme des «troubles à l’ordre public» tout en assurant garantir «la liberté de culte». Disposant de tous les pouvoirs, elles ont décrété l’interdiction de cette présence des fidèles à al-Aqsa. Selon le correspondant de RFI à Jérusalem, les fidèles expliquent avoir reçu, il y a 48 heures, un avertissement par texto : «Nous savons que vous passez la nuit à Al-Aqsa, vous devez quitter les lieux».
A l'aube, les policiers ont fait irruption dans la salle des prières du lieu saint. Ils ont lancé des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser les Palestiniens, dont certains ont riposté en lançant des feux d’artifice et des pierres. La situation a ensuite complètement dégénéré, comme on peut le constater sur plusieurs vidéos postées sur les réseaux sociaux, où on voit les policiers frapper violemment à coup de matraque les fidèles.
Dénonçant «un crime sans précédent», le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, a appelé les Palestiniens de Cisjordanie occupée «à se rendre en masse vers la mosquée al-Aqsa pour la défendre». Troisième lieu saint de l'islam, après la Mecque et Médine (Arabie saoudite), al-Aqsa est située sur l'esplanade des Mosquées, à Jérusalem-Est, secteur palestinien de la Ville sainte occupé et annexé par Israël.
Le ministre des Affaires civiles palestinien, Hussein al-Cheikh, a jugé que «le niveau de brutalité [de la police israélienne] nécessitait une action urgente palestinienne, arabe et internationale», rapporte l'AFP.
La Jordanie, qui administre les lieux saints musulmans de Jérusalem, a condamné «la prise d'assaut» de la mosquée et appelé les forces israéliennes à s'en retirer immédiatement, tandis que l'Arabie saoudite a exprimé son «rejet catégorique» d'actions violant «les principes internationaux et les normes relatives au respect du sacré», fait encore savoir l'AFP.
Le ministère des Affaires étrangères égyptien a publié un communiqué «condamnant l'irruption de la police israélienne à l'intérieur [de la mosquée] Al-Aqsa et l'agression contre les fidèles». «L'Egypte tient Israël, puissance occupante, comme responsable de cette dangereuse escalade qui pourrait saper les efforts de trêve», est-il ajouté dans le texte.
Enfin, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a quant à lui condamné «fermement ces attaques», en marge du sommet de l'OTAN à Bruxelles. «La normalisation avec Israël a commencé, mais notre engagement ne peut pas se faire au détriment de la cause palestinienne et de nos principes» a-t-il expliqué, précisant que ces «attaques» avaient «dépassé la limite».
La police israélienne dénonce «un trouble à l'ordre public»
Dans un communiqué, la police israélienne a pour sa part dénoncé l'action de «plusieurs jeunes hors-la-loi et agitateurs masqués [qui] ont apporté à l'intérieur de la mosquée [al-Aqsa] des feux d'artifice, des bâtons et des pierres». «Ces meneurs s'y sont barricadés plusieurs heures après [les dernières prières du soir] afin d'attenter à l'ordre public et de profaner la mosquée», tout en y scandant «des slogans incitants à la haine et à la violence», ajoute le texte. «Après de nombreuses et longues tentatives infructueuses de les faire sortir par le dialogue, les forces de police ont été contraintes [d'intervenir] pour les déloger dans le but de permettre la tenue [des premières prières de l'aube] et d'empêcher des troubles violents», a poursuivi la police.
Accusant les personnes délogées de la mosquée par les policiers d'avoir agi en vue de «blesser et d'assassiner des policiers et de blesser des citoyens israéliens», le ministre de la Sécurité intérieure israélien, Itamar ben Gvir, a félicité la police pour «son action rapide et déterminée».
Rapporteur spécial de l'ONU pour les territoires palestiniens occupées, Francesca Albanese a fermement condamné cette violence contre les fidèles mais également la couverture médiatique trompeuse de la part de certains médias occidentaux, qui contribue, selon elle, à permettre l'occupation israélienne incontrôlée.
Ces violences surviennent un peu avant le milieu du ramadan et alors que les juifs s'apprêtent à célébrer à partir de ce 5 avril au soir la fête de Pessa'h, la Pâque juive.
Une palestinienne d'une quarantaine d'années, Khouloud, s'est indignée au micro de RFI : «Nous, Palestiniens de Jérusalem, nous subissons une politique brutale, qui vise à éradiquer notre présence de la ville. Les Israéliens veulent nous chasser de nos mosquées ! Nos droits sont bafoués ! Ils nous empêchent de prier librement. Ils mettent la main sur nos maisons. Et donc, notre défi est de marquer notre présence, pour réaffirmer l’identité musulmane de nos lieux saints. Ici, c’est l’esplanade des Mosquées, ce n’est pas le Mont du Temple comme l’affirment les juifs. Chaque année pendant [le] ramadan, c’est la même lutte. Surtout lorsque les juifs célèbrent leurs fêtes au même moment.»
Après l'annonce de l'incursion israélienne dans la mosquée al-Aqsa, plusieurs roquettes ont été tirées à partir du nord de la bande de Gaza en direction du territoire israélien, selon des journalistes de l'AFP et des témoins. Elles ont été interceptées par la défense anti-aérienne de l’État hébreu.
Les forces israéliennes font preuve d'une violence redoublée depuis le début de l'année, après l'entrée en fonctions fin décembre d'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire d'Israël. Au moins 90 Palestiniens ont été tués depuis le 1er janvier, ainsi que 15 Israéliens et une Ukrainienne, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de sources officielles israéliennes et palestiniennes.