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Un compte «Stepan Bandera» certifié par Twitter ? La politique du réseau social interroge

Alors qu'Elon Musk avait assuré que les messages incitant à la haine ne disposeraient que d'une visibilité limitée, la présence d'un compte portant le nom du nationaliste ukrainien ayant collaboré avec l'Allemagne nazie suscite la perplexité.

La politique de modération des messages «haineux» de Twitter suscite, pour le moins, l'interrogation, alors qu'un compte portant le nom de Stepan Bandera, auquel est accolé la coche bleue montrant qu'il a été certifié par la plateforme, est actif. D'autant plus que l'on aperçoit, à l'arrière-plan de la photo de profil de ce compte, Moscou en proie aux flammes.

Outre des messages de soutien aux forces ukrainiennes, ledit compte affiche sans surprise une hostilité viscérale à la Russie, souhaitant ardemment sa défaite sur le terrain. Sans oublier une touche de marketing puisqu'un lien vers une boutique Stepan Bandera permet d'aller consulter la liste des produits à l'effigie de cette figure du nationalisme ukrainien, dont de l'eau de Cologne.

Quelle modération sur le réseau social ?

D'après la description disponible sur le site du réseau social, tout compte certifié se doit d'être «actif, notoire et authentique», la coche bleue n'étant accordée qu'après vérification par les équipes de Twitter du respect de l'ensemble des critères et règles édictées par la plateforme.

Plus largement, l'existence de ce compte renvoie à la politique de modération appliquée sur le réseau : très critiquée par Elon Musk avant qu'il ne rachète l'entreprise pour des censures ou des mesures de réduction de la visibilité de comptes, notamment conservateurs, celle-ci a évolué depuis sa prise de contrôle, l'entrepreneur portant une vision radicale de la liberté d'expression.

Cette volonté du patron de Tesla et de Space X d'assouplir la politique de modération des contenus sur Twitter avait suscité de nombreuses inquiétudes, notamment en Europe, et le président du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU s'était inquiété de voir un «entrepreneur privé décider de ce qui est dangereux et incite à la violence et à la haine». Il avait évoqué le cas du rappeur américain Kanye West, dont Elon Musk a suspendu le compte le 2 décembre après la publication d'une image représentant une croix gammée entrelacée avec une étoile de David, ainsi que de propos admiratifs envers Adolf Hitler.

En novembre 2022, Elon Musk avait expliqué que les messages «haineux» ou «négatifs» verraient leur visibilité limitée «au maximum» et qu'ils ne pourraient pas être une source de bénéfices pour Twitter, tout en restant cependant accessibles si l'utilisateur souhaite les consulter.

Pour rappel, Stepan Bandera fut le chef de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), un groupe ultranationaliste qui avait pendant la Seconde Guerre mondiale sa propre organisation paramilitaire et qui a collaboré avec les nazis, participant notamment aux massacres des Polonais en Volhynie. Il a également fondé la Légion ukrainienne, qui a combattu l'armée rouge pour le compte de la Wehrmacht. En outre au cours de la Seconde guerre mondiale, l'UPA (l'Armée insurrectionnelle ukrainienne), branche armée de l'OUN de Bandera, a brièvement combattu simultanément l'Allemagne nazie et l'URSS. En dépit de sa collaboration avec le IIIe Reich et son implication dans des massacres, Stepan Bandera est ouvertement admiré par une partie de la population ukrainienne, en raison de son engagement dans la lutte contre les Soviétiques.

Il est officiellement célébré par les autorités ukrainiennes comme une figure forte du pays, et la diplomatie russe a, à de multiples reprises, dénoncé cette position comme constitutive d'une valorisation du nazisme. Récemment, un article de France Info consacré au personnage a donné lieu à une polémique, l'avocat franco-israélien Arno Klarsfeld s'offusquant de sa présentation par le média public comme un personnage «très polémique», une formule insuffisante selon lui.

L'offensive lancée par Moscou depuis plus d'un an avait pour objectif officiel la «dénazification» et la «démilitarisation» de l'Ukraine, au motif que l'idéologie nazie serait prégnante dans le pays, alors que l'Occident réfute cette vision et dénonce une «guerre d'invasion».