Devant la presse le 17 mars, le président américain Joe Biden a estimé «justifié» le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de son homologue russe Vladimir Poutine. Une décision qui, selon le locataire de la Maison Blanche, envoie «un signal très fort» au président russe qui aurait «clairement commis des crimes de guerre» en Ukraine.
«Nous sommes favorables à ce que les auteurs de crimes de guerre répondent de leurs actes» avait réagi plus tôt Adrienne Watson. Dans sa déclaration, auprès de la NPR, cette porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche estime que le procureur de la CPI est un «acteur indépendant» qui «prend ses propres décisions en matière de poursuites sur la base des preuves dont il dispose.»
Des réactions qui font suite à l’annonce par la CPI, le même jour, de l’émission de deux mandats d’arrêt pour «déportation illégale» d’enfants ukrainiens. L’un à l’encontre du président russe, l’autre visant la commissaire présidentielle aux droits de l’enfant Maria Lvova-Belova. Une décision saluée par le président ukrainien ainsi que par l’administration américaine, alors même que ni l’Ukraine ni les Etats-Unis n’ont ratifié le Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour pénale internationale.
Des menaces aux sanctions : ce lourd passif qu'entretient Washington avec La Haye
Une non-reconnaissance qu’a d’ailleurs rappelée Joe Biden aux journalistes. Cette piqure de rappel s’avère d’autant plus importante dans un pays qui s’est permis de menacer à plusieurs reprises le personnel de cette juridiction siégeant à La Haye, s’ils venaient à se pencher sur des crimes de guerre de l’armée américaine.
Dès les prémices de l’invasion de l’Afghanistan, le Congrès des Etats-Unis avait donné le ton. Via le Servicemembers’ Protection Act, le législateur américain peut en effet priver de tout soutien militaire les pays non membres de l’OTAN qui reconnaissent la CPI. Promulguée à l’été 2002 par George Bush, cette loi fédérale autorise également le président a «utiliser tous les moyens nécessaires et appropriés pour obtenir la libération» d’un citoyen – ou «allié» – des Etats-Unis détenu par la CPI, y compris la force militaire. Ce texte fut ainsi surnommé «The Hague Invasion Act».
Quand les Etats-Unis qualifiaient la CPI d’«institution complètement brisée et corrompue»
Plus récemment, en 2020, l’administration Trump avait adopté des sanctions à l’encontre de membres de la Cour pénale internationale. Pour s’être intéressée aux exactions de l’armée américaine en Afghanistan, la procureure de la CPI Fatou Bensouda – et un haut fonctionnaire de son bureau, Phakiso Mochochoko – s’étaient retrouvés sur la liste noire du département du Trésor des Etats-Unis. «Nous ne tolérerons pas les tentatives illégitimes de la CPI de soumettre les Américains à sa juridiction» avait justifié devant la presse Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat de Donald Trump, qualifiant la CPI d’«institution complètement brisée et corrompue». Ces sanctions ont, depuis, été levées par Joe Biden.
Interrogé le 17 mars sur CNN quant à d’éventuelles pressions que la Maison Blanche pourrait exercer sur des dirigeants étrangers pour arrêter Vladimir Poutine s'il se déplaçait dans leur pays, John Kirby s’est adonné au même numéro d’équilibriste. Refusant de «spéculer» sur toute «situation hypothétique», cet autre porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche s’est contenté de répéter que les Etats-Unis voulaient voir la Russie «répondre de ses actes» et qu’ils continueraient «d’aider l’Ukraine à documenter et préserver les preuves» dans la mesure où il existe «une série d'enquêtes internationales, y compris celle menée par la CPI.»
Le jour même, l’ambassade de Russie aux Etats-Unis s’en est vertement prise à l’ambivalence de la position américaine à l’égard de la CPI. «Une telle position rappelle la schizophrénie lente», a publié la représentation diplomatique russe sur sa chaine Telegram. Hormis les Etats-Unis, on retrouve la Russie, l’Inde, Israël, l'Arabie saoudite la Turquie ou encore la Chine parmi la trentaine de pays qui ne reconnaissent pas la compétence de la Cour pénale internationale.