Malgré les molles objections de David Pujadas pendant le débat sur le bienfondé de la «dérussisation» de la Crimée, Moscou n'a semble-t-il pas trouvé le contenu de LCI très équilibré.
Le Premier représentant permanent adjoint de la Russie à l'ONU Dmitry Polyanskiy a évoqué au détour de son intervention devant le Conseil de sécurité le 6 février un passage du 5 janvier de la chaine d'information française qui avait suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux.
«Que voulez-vous que nous pensions lorsque sur une des chaînes de télévision nationales françaises des commentateurs déchainés parlent en direct, il y a quelques jours, de nettoyer la Crimée des Russes ethniques après sa future libération ?», a-t-il déclaré pendant sa longue prise de parole.
«Ils ont en même temps discouru sur le fait que pour maintenir la péninsule en Ukraine on devrait poser la question de la déportation de toute la population de la Crimée, ou d'une grande partie, presque tous ses habitants étant fidèles à la Russie et soutenant le président Poutine», a-t-il encore déclaré.
Et le diplomate de conclure : «Il ressort que lorsqu'il s'agit de la Russie, le public européen délicat ne dédaigne pas le nettoyage ethnique, tout comme à l’époque les fascistes allemands avaient élaboré un plan similaire pour notre pays.»
Que voulez-vous que nous pensions lorsque sur une des chaînes de télévision nationales françaises des commentateurs déchainés parlent en direct, il y a quelques jours, de nettoyer la Crimée des Russes ethniques ?
Le passage auquel le représentant fait manifestement référence, sans citer le nom de la chaîne ni des intervenants, est l'émission 24H Pujadas du jeudi 5 janvier 2023, dans laquelle il a été présenté un rapport ukrainien qui prévoit un plan de «dérussisation» de la Crimée en cas de conquête par Kiev de ce territoire qu'elle ne contrôle plus depuis 2014.
Un plan ethnique radical
«Comment réintégrer un territoire peuplé aux 2/3 de Russes, et bien la première étape c'est de faire partir justement ces Russes, notamment les derniers qui se sont installés ou encore ceux qui ont travaillé ouvertement avec l'occupant», a expliqué une journaliste sur le plateau, précisant plus loin que selon Kiev, «les gens ordinaires de Crimée ne seront pas punis».
Alors que la population ethniquement russe de Crimée s'élevait à près de 69% en 2018, elle n'aurait été que de 58,5% en 2001 selon les informations de Kiev, ce qui signifierait selon cette logique qu'il faudrait déporter une part significative de la population de la péninsule en Russie.
La deuxième étape du plan serait de «dérussifier les institutions et les infrastructures», faire la chasse aux «collaborateurs» ou encore de démolir le pont de Crimée.
«C'est ce qui risque de se passer et ça risque d'être douloureux»
«C'est très simple, il y a des gens qui sont venus en Crimée en violant la législation ukrainienne [...] ils n'ont pas demandé à être résidents de l'Ukraine», a justifié la journaliste franco-ukrainienne Marianna Perebensiuk. «Commençons par appliquer la loi c'est aussi simple que ça», a-t-elle encore martelé.
«Vous avez eu entre 2014 et 2012 [2022] également un certain nombre de Russes qui se sont installés et qui ont pris, qui ont volé, c'est un vol c'est illégal, des propriétés, des maisons qui appartenaient à des Ukrainiens de Crimée», a déclaré dans la même veine l'essayiste et haut fonctionnaire Nicolas Tenzer, affirmant que ceux qui avaient quitté la Crimée en 2014 devraient se voir proposer de revenir et recouvrer leurs biens.
«Je vous rappelle qu'après la Seconde Guerre mondiale vous avez eu des transferts de population massifs», a expliqué le journaliste Jean Quatremer, reconnaissant au passage que ce genre d'événement était «douloureux». «C'est ce qui risque de se passer et ça risque d'être douloureux», a-t-il concédé quand le présentateur David Pujadas lui a fait remarquer que ces usages étaient ceux des temps anciens et prenaient aujourd'hui une «toute autre signification».
«Les échanges de populations peuvent parfaitement être prévus par les traités», a-t-il encore précisé, ajoutant tout de même que ce genre de déplacements était toujours «une horreur».
Au-delà des propos des intervenants, c'est le ton détaché, voire complaisant du débat qui a suscité nombre de réactions sur les réseaux sociaux, certains internautes et observateurs accusant LCI de banaliser un plan de nettoyage ethnique.