La décision de livrer des chars Leopard 2 à Kiev, finalement prise par le chancelier allemand Olaf Scholz le 25 janvier qui a été soumis à une forte pression intérieure et extérieure, a été vivement condamnée par l'ambassadeur de Russie en Allemagne Sergueï Netchaïev.
L'Allemagne alimente une «escalade permanente», selon Netchaïev
D'après lui, cette annonce «extrêmement dangereuse amène le conflit à un nouveau niveau de confrontation» et contredit une série de déclarations des responsables politiques allemands qui avaient exprimé à plusieurs occasions la réticence de leur pays, jusqu'à présent plus mesuré que son voisin polonais, à s’impliquer dans le conflit via des livraisons d'armes lourdes. «Malheureusement, cela se produit encore et encore», a déploré Sergueï Netchaïev, constatant que «l’Allemagne, comme ses plus proches alliés, n’est pas intéressée par une solution diplomatique à la crise ukrainienne».
Dommages irréparables aux relations russo-allemandes
Au contraire, elle encouragerait désormais une «escalade permanente» et aurait abandonné les «lignes rouges» évoquées par le passé. L'Ukraine avait cependant reçu de l'Allemagne, dès le début du conflit, des missiles sol-air et des lance-roquettes. Toujours selon l'ambassadeur de Russie, ce choix «détruit tout reste de confiance mutuelle, cause des dommages irréparables aux relations russo-allemandes qui se trouvent déjà dans un état pitoyable, et remet en question la possibilité de leur normalisation dans un avenir prévisible».
Le diplomate a également pointé le fait que l'arrivée de chars de fabrication allemande face aux forces russes évoquait les souvenirs douloureux de la deuxième Guerre mondiale, y voyant «le refus définitif» de l'Allemagne de reconnaître «sa responsabilité historique envers notre peuple pour les crimes terribles et imprescriptibles du nazisme pendant la Grande Guerre patriotique, ainsi que l’oubli du chemin difficile de la réconciliation d’après-guerre entre les Russes et les Allemands».
Ainsi, «des chars de combat avec des croix allemandes seront à nouveau envoyés sur le "front de l’Est"», a-t-il souligné, déplorant par avance les morts de soldats russes et de civils qui en résulteront. «Berlin a pris cette décision à l’occasion du 80e anniversaire de la percée du blocus de Leningrad [début 1943] pendant lequel des centaines de milliers de citoyens soviétiques sont morts», a aussi rappelé Sergueï Netchaïev.
Berlin juge la livraison de chars «nécessaire» pour soutenir Kiev
Devant le Bundestag, le chancelier allemand a pour sa part déclaré ce 25 janvier faire «ce qui est nécessaire et possible pour soutenir l'Ukraine» en livrant ces chars, assurant «empêcher en même temps une escalade de la guerre, vers une guerre entre la Russie et l'OTAN».
«Il est juste et intentionnel que nous ayons progressé petit à petit et nous continuerons à suivre ce principe à l'avenir», a insisté Olaf Scholz, affirmant que cette gradation «garantit la sécurité de l'Europe et de l'Allemagne dans une affaire aussi dangereuse». Selon des chiffres de la presse allemande cités par l'AFP, l'Allemagne disposerait au total de 312 Leopard 2, dont une centaine en maintenance, et livrera 14 exemplaires à l'Ukraine. Outre ses propres livraisons, Berlin a autorisé ses alliés disposant de ces blindés à faire de même, la Finlande ayant annoncé son intention de procéder à des livraisons de Leopard 2 ce même 25 janvier, sans en préciser la quantité.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui réclamait l'envoi de chars aux Occidentaux avec insistance, s'est déclaré «sincèrement reconnaissant» après le feu vert de l'Allemagne, tandis qu'Andriï Iermak, le chef de l'administration présidentielle ukrainienne, a jugé qu'il ne s'agissait que d'un «premier pas». De son côté, Emmanuel Macron avait laissé entendre lors d'une conférence de presse commune avec Olaf Scholz le 22 janvier que l'envoi de chars Leclerc à Kiev n'était «pas exclu».
Moscou a mis en garde à de multiples reprises contre la participation de l'Occident à l'effort de guerre ukrainien, reprochant aux chancelleries concernées de jouer un «rôle destructeur» dans le conflit. La porte-parole de la diplomatie russe a récemment qualifié de «décision provocatrice» l'annonce d'une livraison française de blindés AMX-10RC à Kiev.