Après des mois de sagas judiciaires, Israël a expulsé ce 18 décembre l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu depuis mars sans accusation formelle dans des prisons israéliennes. L'expulsion a été condamnée par la France.
«Le combat continue», promet Salah Hamouri
Salah Hamouri a été expulsé dans la matinée vers la France, selon le ministère israélien de l'Intérieur dans un communiqué, tandis que sa famille avait, elle, été notifiée plus tôt ce weekend qu'il allait être placé sur un vol Tel-Aviv/Paris du transporteur El AL.
«La première étape sera de se retrouver, il y a du temps à rattraper en famille. La voix de Salah ne va pas s'éteindre avec cet exil forcé [...] En France, il sera une voix pour le peuple palestinien», a déclaré son épouse Elsa Lefort à l'AFP.
Agé de 37 ans, Salah Hamouri avait été condamné en mars à trois mois de détention administrative, une mesure controversée permettant à Israël d'incarcérer des suspects sans accusation formelle.
«J'ai changé d'endroit mais le combat continue», a déclaré le militant à son arrivée à l'aéroport parisien de Roissy, avant d'ajouter : «Aujourd'hui, je sens que j'ai une responsabilité énorme pour ma cause et mon peuple. On ne lâche pas la Palestine. Notre droit c'est de résister.»
Soupçonné par Israël de liens – ce qu'il nie – avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation jugée terroriste par l'Etat hébreu et l'Union européenne, Salah Hamouri avait appris fin novembre qu'il allait être expulsé en décembre vers la France.
Mais son expulsion avait été reportée à la suite d'audiences devant la justice militaire, ses avocats remettant en cause son ordre d'expulsion et aussi la révocation de son statut de résident de Jérusalem-Est.
Dans un communiqué publié le 18 décembre, le ministère français des Affaires étrangères a dénoncé la mesure prise par l'Etat hébreu : «Nous condamnons aujourd'hui la décision des autorités israéliennes, contraire au droit, d'expulser M. Salah Hamouri vers la France.»
Né dans cette partie de la Ville sainte, annexée et occupée par l'Etat hébreu, Salah Hamouri ne dispose pas de la nationalité israélienne mais d'un permis de résidence, que les autorités israéliennes ont révoqué, ce qu'il conteste.
Or, début décembre, les autorités israéliennes ont confirmé la révocation de son statut ouvrant ainsi la voie à une expulsion imminente malgré une nouvelle audience prévue le 1er janvier.
Depuis le soir du 16 décembre, les indications d'une expulsion dimanche s'étaient multipliées, la députée arabe israélienne Aïda Touma-Slimane ayant d'ailleurs écrit le 17 décembre au ministre de la Défense Benny Gantz pour empêcher l'expulsion, toutefois décrétée par la ministre de l'Intérieur Ayelet Shaked.
L'expulsion de Salah Hamouri intervient peu avant la formation d'un nouveau gouvernement en Israël mené par Benjamin Netanyahou, vainqueur des législatives du 1er novembre, et ses alliés des partis ultra-orthodoxes et d'extrême droite.
«C'est un formidable accomplissement d'avoir pu provoquer, juste avant la fin de mon mandat, son expulsion», a commenté Ayelet Shaked.
Pour l'avocate de Salah Hamouri, Leah Tsemel, l'expulsion de son client est un «test» pour les habitants de Jérusalem-Est. Elle a expliqué craindre que le futur gouvernement israélien ne multiplie les révocations de permis de résident de Palestiniens nés dans la Ville Sainte.
«Cette expulsion est une manœuvre visant à entraver le travail de Salah Hamouri en faveur des droits humains, mais aussi l'expression de l'objectif politique à long terme des autorités israéliennes, qui est de diminuer l’importance de la population palestinienne à Jérusalem-Est», ont déclaré le 18 décembre Amnesty international et plusieurs ONG françaises.
«L'expulsion de Salah Hamouri est vraiment préoccupante pour les Palestiniens de Jérusalem», a déclaré à l'AFP un haut responsable palestinien requérant l'anonymat, alors que les soutiens de l'avocat franco-palestinien jugent «illégale» son expulsion de sa ville natale par un «pouvoir d'occupation».
«Nous ne pensions pas que c'était possible d'expulser une personne de sa terre natale. C'est un citoyen français, mais il est davantage palestinien. Il est né à Jérusalem, a vécu et grandi ici [...] Ses racines sont ici», expliquait récemment sa mère, Denise Hamouri.
Celle-ci avait exhorté le président français Emmanuel Macron à faire pression sur Israël pour surseoir son expulsion et permettre à Salah Hamouri de voyager librement entre Jérusalem et la France, pays où vivent actuellement son épouse, Elsa Lefort, et leurs deux enfants.
«Il n'y a pas eu de volonté politique de faire pression, en y mettant des moyens, sur le gouvernement israélien [...] Ca aurait été le minimum syndical», a ajouté Elsa Lefort.
Salah Hamouri avait été emprisonné en Israël entre 2005 et 2011 pour participation à la tentative d'assassinat d'Ovadia Yossef, ancien grand rabbin d'Israël et fondateur du parti ultra-orthodoxe Shass, avant d'être libéré en 2011 dans le cadre d'un échange de prisonniers ayant permis la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Devenu lui-même avocat, il travaillait pour l'ONG Addammeer qui défend les prisonniers palestiniens. Mais cette ONG a été placée ces derniers mois, comme une poignée d'autres, sur la liste israélienne des organisations terroristes.