Elon Musk à nouveau sous le feu des critiques, de Bruxelles à Genève. Le nouveau propriétaire de Twitter s’est notamment attiré les foudres de hauts fonctionnaires européens après la suspension temporaire de plusieurs dizaines de comptes aux Etats-Unis, dont des employés de médias. Parmi eux, Donie O'Sullivan de CNN, Ryan Mac du New York Times et Drew Harwell du Washington Post «et des journalistes indépendants» précise l’AFP, tel qu'Aaron Rupar.
Une suspension jugée «arbitraire» et qualifiée d’«inquiétante» par Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne. «Il y a des lignes rouges. Et des sanctions, bientôt», a menacé la responsable de l'UE. Celle-là même qui, fin février, s’était attelé avec son homologue Thierry Breton à faire interdire les médias russes au sein de l’Union européenne.
Même son de cloche à l’ONU, dont le porte-parole Stéphane Dujarric de La Rivière a jugé que cette décision de Twitter créait un «dangereux précédent». «Nous sommes très perturbés par la suspension arbitraire de comptes de journalistes vue sur Twitter. Les voix des médias ne doivent pas être placées sous silence sur une plateforme qui professe qu'elle est un espace de liberté», a-t-il déclaré dans des propos relayés par l’AFP.
«Nous avons un problème avec Twitter», s'inquiète Berlin
En parallèle de Bruxelles, des chancelleries européennes ont fait part de leur émoi. «La liberté de la presse ne doit pas être activée et désactivée à convenance», a ainsi dénoncé le ministère allemand des Affaires étrangères, toujours sur la plateforme d’Elon Musk. «Pour cette raison, nous avons un problème avec Twitter», a ajouté la diplomatie allemande.
Côté français, c’est Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, qui est monté au créneau, se disant «affligé» par la «dérive» d’Elon Musk. «La liberté de la presse est au fondement même de la démocratie. Attenter à l'une c'est attenter à l'autre», s’indigne celui qui début novembre se vantait d’avoir fait évincer RT France et Sputnik de la plateforme Odysee.
«Il y a en assez de l'arbitraire des plateformes, il faut reprendre le contrôle démocratique de ces plateformes avant qu'elles ne soumettent totalement les démocraties à leurs caprices et qu'il ne soit trop tard», a pour sa part dénoncé Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Evoquant un «cauchemar kafkaïen», il appelle dans un communiqué au rétablissement des comptes Twitter des journalistes.
La patience d’Elon Musk à bout ?
Au cœur de ces comptes suspendus, «@ElonJet», qui partageait la géolocalisation les jets du milliardaire. Celui-là même qu’Elon Musk avait promis de ne pas toucher lors de son arrivée à la tête de Twitter. Mais tout bascule le 14 décembre. Après avoir accusé Elon Musk de chercher à minimiser la visibilité d’@ElonJet, Jack Sweeney, qui tient le compte, voit celui-ci suspendu. Son compte personnel et ses autres comptes de suivi de jet suivront. Puis, dans la nuit menant au 15 décembre, le magnat des affaires annonce des poursuites à l’encontre de «Sweeney et les organisations qui ont soutenu le mal fait à ma famille.»
Postant la vidéo d’un homme qui aurait suivi la voiture de ses enfants, Elon Musk annonce alors que tout compte ayant partagé la localisation en temps réel de quelqu’un serait suspendu : «Il s'agit d'une violation de la sécurité physique», a-t-il défendu, avant d’ajouter que «cela inclut la publication de liens vers des sites contenant des informations de localisation en temps réel».
Les comptes des journalistes pris dans la nasse auraient ainsi partagé des informations ou écrit à propos du compte @ElonJet. «J'ai écrit sur Elon Musk. J'ai publié des liens vers des données accessibles au public et légalement acquises ainsi que des liens vers Mastodon, qui est également désormais interdit sur Twitter», se défend Drew Harwell sur Mastodon, arguant qu’il va «continuer à le faire parce que la liberté d'expression et la transparence sont importantes pour le monde».
Pourtant, à en croire Sweeney lui-même, le jet d'Elon Musk ferait partie d'un programme de la Federal Aviation Administration (FAA), permettant d'esquiver les logiciels de suivi des avions qui utilisent les données de la FAA, tels que FlightAware ou Flightradar24...
«Me critiquer toute la journée est tout à fait acceptable, mais doxer [divulguer publiquement sur Internet des informations personnelles] ma position en temps réel et mettre ma famille en danger ne l'est pas», a twitté Elon dans la nuit du 15 au 16 décembre, assurant que «les comptes impliqués dans du doxing reçoivent une suspension temporaire de sept jours». Celui-ci avait précisé, un peu plus tôt, que ces règles s'appliquaient «"aux journalistes" comme à n'importe qui d'autre». Avant d'ajouter plus tard : «Ils ont affiché mon emplacement exact en temps réel, en gros des coordonnées d'assassinat, en violation directe (évidente) des conditions d'utilisation de Twitter.»
Maxime Perrotin