Dans une interview à Die Zeit le 7 décembre, l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel a affirmé que les Accords de Minsk avaient été «une tentative de donner du temps à l'Ukraine» de se renforcer militairement en vue d'une confrontation future avec Moscou. Un aveu d'importance «historique», comme l'a fait remarquer le président serbe Alexandre Vucic ce 10 décembre, alors que ces accords avaient été conclus avec pour objectif officiel de rétablir la paix entre Kiev et les Républiques du Donbass.
«Nous avons tous vus la déclaration historiquement importante d'Angela Merkel [sur les accords de Minsk]. Je suis surpris», a commenté Alexandre Vucic lors d'un discours à la nation serbe. Et le dirigeant de poursuivre, selon une retranscription de l'agence de presse Tass : «Pour moi, cette idée est pratiquement incompréhensible mais elle est confirmée par ce que [l'ancien président ukrainien] Petro Porochenko a affirmé, qu'ils n'avaient jamais eu l'intention d'implémenter les Accords de Minsk.»
Cette déclaration de Merkel change de manière cruciale la situation sous tous ses aspects [...] C'est un signal clair de qui il ne faut pas croire
«Cela jette un éclairage absolument nouveau sur la situation. Cela ne change pas qui a attaqué qui, mais cela change l'approche de ce qui se déroule [en Ukraine] depuis 2014», a encore affirmé le président serbe.
Appelant à la méfiance envers les «mauvaises intentions», Alexandre Vucic a ensuite conclu sur le sujet : «Cette déclaration de Merkel change de manière cruciale la situation sous tous ses aspects, et en premier lieu sous l'aspect politique. Et pour moi, c'est un signal clair de qui il ne faut pas croire.»
Accords de Minsk : «une tentative de donner du temps à l'Ukraine», confie Merkel
Dans son entretien au quotidien allemand, Angela Merkel a affirmé que les Accords de Minsk avaient été «une tentative de donner du temps à l'Ukraine». Et l'ancienne chancelière de poursuivre : «[L'Ukraine] a également utilisé ce temps pour devenir plus forte, comme on peut le voir aujourd'hui. L'Ukraine de 2014-2015 n'est pas l'Ukraine d'aujourd'hui [...] Début 2015, Poutine aurait facilement pu les envahir à l'époque. Et je doute fort que les pays de l'OTAN auraient pu faire autant par rapport à ce qu'ils le font maintenant pour aider l'Ukraine.»
Cet aveu a suscité une vive réaction du président russe Vladimir Poutine, alors que Moscou a, à de multiples reprises, déploré la non-application de ces accords censés entériner la fin des hostilités entre les forces ukrainiennes et les Républiques populaires de Donetsk et Lougansk, qui avaient fait sécession après le coup d'Etat de 2014 en Ukraine.
«Il s'avère que personne n'allait mettre en œuvre tous ces accords de Minsk», a ainsi déploré le chef d'Etat russe en conférence de presse le 9 décembre, ajoutant encore : «J'espérais encore que les autres parties prenantes à ce processus étaient sincères avec nous. Il s'avère qu'ils nous trompaient aussi. Il s'agissait uniquement de renforcer l'Ukraine avec des armes, en la préparant aux hostilités.»
Vladimir Poutine a ensuite estimé qu'au vu de ces nouveaux éléments, Moscou aurait «peut-être» dû lancer son opération militaire en Ukraine plus tôt, soulignant que la Russie espérait pour sa part être en mesure de résoudre le conflit dans le Donbass par le biais des Accords de Minsk. «Ce qu'on a dit maintenant prouve seulement que nous avons pris la bonne décision en lançant une opération militaire spéciale», a-t-il estimé.
Enfin, le dirigeant a déploré l'impact des déclarations d'Angela Merkel sur la confiance entre Moscou et ses interlocuteurs internationaux. «La confiance est presque inexistante, mais après de telles déclarations, une question de confiance se pose : comment négocier, sur quoi, et s'il est possible de négocier avec quelqu'un, et quelles sont les garanties ?», s'est interrogé publiquement Vladimir Poutine, insistant néanmoins sur la nécessité de parvenir, in fine, à un accord sur l'Ukraine : «Mais tout de même, à la fin, nous aurons à nous mettre d'accord. J'ai déjà dit à plusieurs reprises que nous sommes prêts à négocier, nous sommes ouverts. Mais cela nous fait penser, bien sûr, à qui nous avons affaire.»
Fin février 2022, la Russie a lancé ce qu'elle présente comme une «opération militaire spéciale» en Ukraine, et qui est dénoncé par Kiev et ses alliés comme une guerre d'invasion. L'objectif affiché par Moscou est de protéger les populations des Républiques de Donetsk et de Lougansk des bombardements de Kiev, en «démilitarisant» et «dénazifiant» le gouvernement ukrainien, selon les termes employés par Vladimir Poutine.
Le conflit entre les Républiques de Donetsk et Lougansk, désormais rattachées à la Fédération de Russie, et Kiev a fait plus de 10 000 morts (civils et combattants du Donbass, et forces ukrainiennes) depuis 2014. Le protocole de Minsk avait été conclu le 5 septembre de cette année par les représentants de l'Ukraine, de la Russie et des Républiques sécessionistes, afin de mettre un terme aux hostilités.
Les différentes parties s'accusent de ne pas avoir respecté la mise en œuvre du texte et Moscou a régulièrement reproché aux alliés occidentaux de l'Ukraine de ne pas avoir fait pression sur les autorités pour les pousser à respecter l'accord.