Aux Etats-Unis, la transparence sur les dizaines de milliards de dollars envoyées à Kiev sous l’administration Biden attendra. En effet, à la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, une résolution portée par la républicaine Marjorie Taylor Greene a été rejetée le 6 décembre (26 voix contre 22) par la majorité démocrate.
La représentante de Géorgie réclamait que la transparence soit faite sur l’aide prodiguée à l’Ukraine, par les Etats-Unis, depuis janvier 2021. «Le contribuable américain le mérite, l'ère des chèques en blanc est révolue [...]. Le peuple américain doit avoir confiance en ce que nous faisons et où va son argent», a de son côté défendu le républicain Michael McCaul, président de la Chambre. Pour lui, une totale transparence sur la contribution des Etats-Unis à l’effort de guerre ukrainien ne ferait que renforcer sa légitimité auprès du public.
La transparence ? Oui, mais «pas maintenant»
Peine perdue. Malgré la surenchère des élus Républicains, appelant à «vaincre» les Russes et dénonçant la «faiblesse» de l’administration Biden face au «tyran» Poutine, les Démocrates ont fait bloc face à une mesure qu’ils ont dénoncée comme étant un «piège». Le piège, selon eux, d’apparaître «divisés» et d’envoyer un mauvais signal aux alliés des Etats-Unis, voire même de porter un coup à l’aide aux Ukrainiens.
On aura tout notre temps pour examiner la responsabilité et la transparence. Là, maintenant, nous sommes en pleine guerre
«Cela risque de gravement saper, de gravement éroder, la confiance sur le champ de bataille en Ukraine», a ainsi déclaré le démocrate Gerry Connolly. «On aura tout notre temps pour examiner la responsabilité et la transparence. Là, maintenant, nous sommes en pleine guerre», a insisté le président actuel de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.
«Ils ont besoin de notre soutien, ils ont besoin de notre amitié, ils ont besoin de pouvoir compter sur nous », a-t-il martelé, évoquant, la voix nouée par l’émotion, le «sacrifice» des Ukrainiens dans leur combat contre l’«autoritarisme» et pour «le simple droit de déterminer leur propre destin». «Je suis pour la transparence et la responsabilité, mais pas dans cette résolution. Pas maintenant, pas avec ce message», conclut l’élu de Virginie.
«Tirer d'abord, poser des questions plus tard»
«Cela ne peut pas être la direction du Congrès», lui a rétorqué d’emblée Brian Mast, insistant sur le pouvoir de supervision du Parlement. «Cet argument c’est tirer d'abord − avec les milliards du contribuable américain −, poser des questions plus tard», a-t-il poursuivi, dressant une analogie avec la débâcle du retrait américain d’Afghanistan et réitérant son manque de confiance en l’administration actuelle.
«Ne planifiez rien, ne posez aucune question concernant le retrait de milliards de dollars d’équipements, créez l'organisation terroriste la mieux équipée de l'histoire : c'est ce qui se passe lorsque vous tirez en premier et que vous posez des questions plus tard», a développé ce vétéran, mutilé en Afghanistan, face à un Connolly qui a campé sur sa position.
L'élu démocrate a quant à lui insisté sur un point : pourrait-il y avoir une suspension des livraisons d’armes et des versements aux Ukrainiens durant l’audit ? Son homologue républicain a réfuté, soulignant qu’il s’agissait uniquement d’une demande au gouvernement de fournir à la Chambre des représentants sous 14 jours tous les documents relatifs à l’aide à l’Ukraine.
Des dizaines de milliards de dollars octroyées, sans visibilité?
Pour autant, Brian Mast a estimé que toute supervision devrait avoir une «incidence» sur les agissements futurs. «C'est la nature de la surveillance et de l'examen des documents», a-t-il insisté. Une sortie qui finira de braquer le Démocrate. «Ce n'est pas la nature de la supervision au milieu d'une guerre!», a en effet fustigé Gerry Connolly, finissant d’écouler le temps de parole de Brian Mast.
Malgré cette mise en échec des Républicains, au sein d’une commission qui reste acquise aux Démocrates, les débats au Congrès autour de l’aide à l’Ukraine s’annoncent houleux pour le reste du mandat de Joe Biden.
Selon le décompte du Kiel Institute for the world Economy (IFW), un think tank allemand, les Etats-Unis ont alloué entre le 24 janvier et le 20 novembre près de 48 milliards d’euros d’aide financière, humanitaire et militaire à l’Ukraine. Dans la foulée des élections de mi-mandat, alors que la Chambre des représentants était pressentie pour basculer dans le camp Républicain, Joe Biden avait demandé au Congrès une rallonge de 37 milliards de dollars à l’aide destinée à l’Ukraine.
Maxime Perrotin