Jeudi 1 décembre
Sergueï Lavrov a évoqué le cas de RT, censuré par les autorités européennes, en dressant un parallèle avec le bombardement du centre de télévision de Belgrade par l'OTAN.
«Quand le centre de télévision a été bombardé à Belgrade – le bâtiment même et la tour –, l’explication a été très simple aussi : "Cette télévision diffuse de la propagande et soutient l’esprit de l’armée yougoslave"», a ainsi rappelé le ministre.
Et d'ajouter : «C’est d'ailleurs la même logique que celle qui est utilisée en France maintenant quand sur l’ordre de Macron RT et Spoutnik se voient privés d’accréditation à l’Elysée parce que le président a dit personnellement qu’on ne nous laisserait pas entrer puisque nous ne sommes pas des médias mais des moyens de propagande.»
«J’espère que l’Occident ne frappera pas les sièges de RT, ses représentations en Europe et celles de Spoutnik, comme ça a été le cas du centre de télévision en Yougoslavie», a ajouté Sergueï Lavrov.
Sergueï Lavrov souligne qu'Emmanuel Macron a affirmé pendant deux semaines qu'il envisageait une conversation avec Vladimir Poutine. «Nous attendions son appel. Puis il a dit qu'il ne tenterait pas de le faire avant d'aller à Washington», note le chef de la diplomatie russe.
Concernant la position des Etats-Unis, il souligne que Washington affirme vouloir discuter des questions de stabilité avec Moscou, mais explique dans le même temps que la Russie doit être battue en Ukraine.
«Il ne faut pas dire que les Etats-Unis et l’OTAN ne participent pas à cette guerre. Bien au contraire, ils y participent tout à fait directement» estime le chef de la diplomatie russe, pointant du doigt une «inondation» de l’Ukraine par des armes occidentales «pour tuer des Russes». Fournitures d’armes, auxquelles s’ajoute la formation de militaires ukrainiens «sur le territoire des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne et d’autres pays», poursuit le ministre. Ce dernier évoque également le renseignement occidental, au profit des forces ukrainiennes, ainsi que le «travail sur le terrain» d’instructeurs étrangers et de mercenaires.
Evoquant les différents canaux de communications existant entre le gouvernement russe et les pays occidentaux (notamment les Etats-Unis) Sergueï Lavrov souligne que Vladimir Poutine s'entretient avec tous ceux qui le souhaitent. «Nous n'évitons aucun contact», ajoute-t-il.
Il dément néanmoins de récents contacts avec le département d'Etat américain.
Au sujet de l'attitude occidentale vis-à-vis de ce que Moscou présente comme une «opération militaire spéciale», Sergueï Lavrov rappelle l'absence de réactions lorsque des pays occidentaux ont bombardé la Yougoslavie, l'Irak, la Libye ou encore l'Afghanistan.
«Je me soucie de toutes les pertes de vies humaines en conséquence d'opérations militaires, mais parlons de ces pertes sans deux poids deux mesures», ajoute-t-il.
«Stalingrad était également notre territoire et nous avons frappé les Allemands pour les chasser» rétorque Serguei Lavrov, à une journaliste qui l’interpelle sur les frappes contre les infrastructures dans des régions russophones telles que Kherson. «Ce n’est pas un secret» insiste le ministre, justifiant des frappes réalisées avec des «armes de haute précision» contre «des infrastructures qui assurent le potentiel militaire des forces armées ukrainiennes, des bataillons nazis».
Interrogé sur la volonté du pape François de jouer les médiateurs entre Moscou et Kiev, Sergueï Lavrov a dénoncé ses propos «pas chrétiens» sur les minorités ethniques en Russie.
Pour rappel, le pape avait accusé les minorités russes d'être «les plus cruelles» en Ukraine, suscitant une vague d'indignation en Russie.
«Les Etats-Unis et l’Union européenne, en Ukraine, ne font rien d’autre que de mettre à bat tous les principes de coopération de l’OSCE en promouvant leur propre approche», estime le ministre russe. Ce dernier accuse les Occidentaux de promouvoir de «petits formats non inclusifs, tels que la CPE» tout en cherchant à «torpiller» des plateformes multilatérales telles que l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN).
«L'Europe est complétement assujettie par les Etats-Unis», dit-il au sujet de la sécurité européenne, après avoir évoqué la visite d'Emmanuel Macron à Washington.
Moscou n'a pas réclamé de négociations avec Kiev, mais est prêt à écouter l'autre partie, affirme le ministre russe.
Soulignant que l'OTAN «joue avec le feu aux larges des côtes chinoises», Sergueï Lavrov affirme que cela constitue un «risque pour Moscou». Il souligne également que Washington a tenté d'aspirer l'Inde dans ses alliances militaires, sans succès. «Dès lors, ils ont commencé à créer de nouvelles alliances militaires comme le AUKUS, ce qui ne fait qu'augmenter les tensions dans la région».
Le chef de la diplomatie russe revient sur les prises de position des chancelleries occidentales, lors du sommet inaugural de la Communauté politique européenne (CPE) à Prague, le 6 octobre. Un format, réunissant quarante-quatre dirigeants du Vieux continent ambitionnant de construire une nouvelle structure de sécurité en Europe sans la Russie ni la Biélorussie.
«Cela doit se faire sans la Russie, non pas parce que nous ne voulons pas que la Russie fasse partie de l’Europe, mais parce que la Russie de Poutine s’est mise elle-même en dehors de la communauté européenne» avait notamment affirmé Josep Borrell, haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
«Nous nous rappelons comment l'OTAN a été créée, quand le premier Secrétaire général de l'Alliance, [Lord] Ismay, est arrivé avec la formule "Garder les Russes en dehors de l'Europe, les Américains en Europe, et les Allemands sous leur contrôle". Désormais, ce que l'on voit, c'est que l'OTAN revient à ses priorités conceptuelles développées il y a 73 ans. Rien n'a changé. Ils veulent garder les Russes hors d'Europe, les Américains ont déjà mis la main sur toute l'Europe et ils gardent sous leur contrôle pas seulement les Allemands, mais toute l'Union européenne. Donc la philosophie de domination et les avantages unilatéraux n'ont pas disparu à la fin de la Guerre froide», analyse Sergueï Lavrov.
Interrogé sur les relations de Moscou avec la diplomatie européenne, Sergueï Lavrov déplore son caractère partisan. Rappelant les propos de l'ambassadeur ukrainien au Kazakhstan, qui avait appelé à tuer «le plus possible» de Russes, le ministre déplore que personne n'ait commenté ces déclarations.
Selon Sergueï Lavrov, il est désormais impossible de restaurer les relations avec l'Occident en matière de sécurité. «Il n'y aura pas de "business as usual"», explique-t-il, en raison selon lui de la politique menée par l'Occident.
Le ministre russe reproche à Kiev et ses partenaires occidentaux d'avoir refusé la mise en place des accords de Minsk, censés permettre le règlement de la guerre dans le Donbass. «La Russie n'avait d'autre choix que de reconnaître les Républiques de Donetsk et Lougansk comme indépendantes», fait valoir Sergueï Lavrov évoquant les nombreux réfugiés arrivés en Russie en raison des bombardements de Kiev dans le Donbass. Il ajoute que Moscou a ensuite lancé une «opération spéciale» en Ukraine «conformément à l'article 51 de la charte de l'ONU» pour protéger ses citoyens. Cet article prévoit le «droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée».
Sergueï Lavrov revient sur les moments ayant précédé le lancement de l'offensive russe en Ukraine. Il rappelle que Moscou avait proposé une réunion sur la sécurité de l'Europe à ses partenaires occidentaux, qui n'ont pas retenu les propositions de Moscou. La Russie souhaitait en particulier limiter l'extension de l'OTAN à l'Est.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov tient ce 1er décembre depuis Moscou une conférence de presse sur la sécurité européenne pour les médias russes et étrangers.
L'événement a lieu en ligne, dans un contexte marqué par l'offensive en Ukraine et les dissensions entre l'OTAN et Moscou.