A l'approche des élections de mi-mandat au Etats-Unis, démocrates et républicains lancent leurs dernières forces dans la bataille. Avec, d'un côté, l'ancien président Donald Trump qui mène son camp comme il l'a toujours fait, à savoir enchaîner les meetings d'envergure pour soutenir les candidats qu'il a adoubé dans les Etats clés, et de l'autre le chef d'Etat Joe Biden qui tente de défendre son bilan lors de ses plus rares apparitions auprès des candidats en campagne.
La 8 novembre, la totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants sera en jeu ainsi qu'un tiers des sièges du Sénat (34 sur 100). Confiant il y a quelques mois dans leur capacité à conserver la main sur les deux chambres (le Sénat est à 50-50 mais la vice-présidente Kamala Harris dispose du pouvoir de trancher), les démocrates ont depuis constaté un inversement significatif de la tendance. A tel point que des responsables au sein de l'administration Biden, cités par Reuters le 26 octobre, craignent désormais de perdre le contrôle des deux chambres du Congrès.
A en croire les derniers sondages en date, certains candidats démocrates au Sénat qui étaient largement favoris ont en effet vu leur avance fondre, et les élections sénatoriales qui étaient considérées comme des matchs à pile ou face entre les deux partis penchent désormais du côté des républicains. En témoigne par exemple la remontée – improbable il y a quelques semaines encore – du candidat républicain, le chirurgien habitué des plateaux télé Mehmet Oz, face au démocrate John Fetterman, victime d'un AVC en mai et dont les séquelles ont été visibles lors de leur débat dans l'Etat clé de Pennsylvanie.
Si le Sénat peut malgré tout toujours basculer d'un côté comme de l'autre, il est en revanche de plus en plus probable que la Chambre des représentants passe dans le camp républicain. L'ensemble des instituts de sondages s'accordent à dire que la balance penche désormais de leur côté, et que la dynamique leur est très favorable. Des éditorialistes démocrates populaires tels Cenk Uygur ou Mark Jacob ne se font en outre guère plus d'illusion sur l'issue du scrutin.
Erreur stratégique
En cause, la stratégie des démocrates, qui ont cherché à concentrer leur campagne sur les question sociétales, espérant notamment capitaliser sur la colère suscitée en juin par la décision de la Cour Suprême d'enterrer l'arrêt emblématique «Roe v. Wade» de 1973, qui laisse de fait à chaque Etat le soin de légiférer en matière de droit à l'avortement.
Or face à une inflation galopante, aux prix de l'énergie – gaz et pétrole – qui explosent, et à des indicateurs économiques au mieux passables, les électeurs ont d'autres priorités en tête. «It's the economy stupid» (c'est l'économie, idiot), la phrase devenue célèbre du stratège démocrate James Carville, qui avait fait gagner Bill Clinton en 1992 dans un pays en récession, est en effet plus que jamais d'actualité. «Si vous demandez à l'Américain moyen ce qui le préoccupe, ce qui le préoccupe c'est l'économie, c'est l'inflation. Il n'est pas concevable pour moi que vous puissiez fuir ces questions», souligne ainsi l'ancien candidat à l'investiture démocrate Bernie Sanders, appelant son camp à se saisir enfin d'un sujet largement abandonné aux républicains.
Il faut dire qu'ayant le contrôle des deux chambres et de la présidence, les démocrates sont jugés comme responsables de la situation actuelle. La cote de popularité en chute libre de Joe Biden en est un indicateur fiable. Pour autant, le camp démocrate n'a pas jeté l'éponge et croit encore en ses chances de ré-inverser la tendance d'ici le 8 novembre. En déplacement à New York le 27 octobre, Joe Biden devrait, selon un de ses conseillers cité par CNN, s'attaquer aux républicains sous l'angle économique, en les accusant de vouloir «supprimer certains programmes de réduction des coûts qu'il a mis en place tout en récompensant les riches par de nouvelles réductions d'impôts».
Le spectre de la destitution de Biden et le soutien à l'Ukraine dans la balance ?
Reste à voir si ce virage de fin de campagne sera suffisant à convaincre les électeurs. L'enjeu est de taille pour l'administration Biden, qui, en cas de perte des deux chambres, se trouverait à la merci des républicains, dont certains ont promis d'ouvrir une enquête sur les affaires du fils du président Hunter Biden en Ukraine, et d'éventuellement lancer une procédure de destitution contre Joe Biden.
La question de l'Ukraine est d'ailleurs plus largement la grande inconnue d'un tel résultat, le chef de la minorité républicaine de la Chambre des représentants Kevin McCarthy ayant déclaré qu'une Chambre contrôlée par les républicains ne continuerait pas à accorder un «chèque en blanc» à Kiev. Une sortie qui a suscité une vive inquiétude en Ukraine autant que dans l'Union européenne, mais qu'il convient de relativiser : le chef de la minorité républicaine du Sénat Mitch McConnell a en effet pour sa part déclaré qu'une majorité républicaine au Sénat se concentrerait «sur la livraison en temps voulu des armes nécessaires et sur une plus grande assistance des alliés à l'Ukraine».
Frédéric Aigouy