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Crise énergétique : «Nous ne sommes pas un gouvernement nounou», explique un ministre britannique

Contrairement à plusieurs capitales européennes, Londres n’entend pas dicter à ses concitoyens ce qu’ils doivent faire cet hiver. Le gouvernement Truss dit ainsi compter sur le bon sens des Britanniques, confrontés à une forte hausse de leur facture.

«Je ne vais pas vous dire quoi faire, quoi penser ou comment vivre votre vie» : cette sortie de Liz Truss le 5 octobre, dans les premières minutes de son discours au congrès annuel du parti conservateur, n’a pas échappé à la presse britannique. The Times l’a ainsi d’emblée interprétée comme la confirmation de la «haine» que le nouveau Premier ministre vouerait à «ce que l’on pourrait appeler l’"étatisme nounou"».

Une hostilité «idéologique» à tout interventionnisme de l'exécutif que le quotidien londonien évoque à nouveau dans sa Une du 7 octobre. Celui-ci relate qu’une campagne de communication sur les économies d'énergie, chiffrées à 15 millions de livres, a été rejetée au dernier moment par Downing Street. L’information fait florès, le jour où la presse britannique titre à l’unisson sur les «black-out» qui pourraient survenir cet hiver. Dans un rapport publié la veille, le gestionnaire du réseau électrique estimait en effet, dans un cas extrême de pénurie de gaz, qu’entreprises et ménages pourraient subir des coupures de courant quotidiennes de trois heures.

Interrogé sur la radio LBC quant à la véracité des révélations du Times, le ministre d’Etat au Climat, Graham Stuart, ne confirmera ni n’infirmera l’information. «Techniquement, une campagne sur la réduction de l'énergie ne ferait probablement aucune différence pour notre sécurité énergétique. Ce serait donc une bonne raison de ne pas le faire», finit-il par répondre à l’animateur radio. «Nous sommes également hésitants quant à dire aux gens ce qu'ils doivent faire, nous ne sommes pas un gouvernement nounou», ajoute-t-il.

«Tout ira bien» cet hiver, selon Graham Stuart

«Il y a de bonnes raisons pour lesquelles des gens préfèrent prendre une douche qu'un bain, parce que cela peut faire baisser leur facture», justifiait-il une demi-heure plus tôt sur le plateau de Skynews. Le gouvernement ne va «pas demander aux gens de débrancher des choses [...] quand cela ne fait pas de grande différence pour notre sécurité énergétique», insiste le responsable politique.

Bien qu’il admette que cet hiver «comporte plus de risques» que les précédents, Graham Stuart tient à se montrer confiant. «Nous pensons que nous avons un approvisionnement varié et solide dans tous les scénarios les plus probables, tout ira bien, mais nous nous préparons pour tout», assure-t-il.

Un discours outre-Manche qui contraste, notamment, avec celui du gouvernement français. Depuis cet été les appels à la sobriété se succèdent en effet, afin de limiter la température du chauffage ou de l’eau dans les logements, entreprises, administrations et lieux publics. Des mesures également adoptées dans des pays limitrophes, comme l’Allemagne ou encore l’Espagne, bien plus dépendants des hydrocarbures que la France.

Une «mobilisation générale», pour reprendre les termes d’Agnès Pannier-Runacher, qui ne se limitera pas qu’au chauffage. Dans une série de nouvelles annonces le 6 octobre, la ministre de la Transition énergétique a également enjoint les Français à moins s’éclairer et à «covoiturer» davantage. Une sobriété «choisie», qui contraste avec d’autres mesures comme la coupure des chauffe-eau entre midi et 14h comme demandé au gestionnaire de réseau électrique Enedis (ex-EDF).

Energies : les prix flambent pour les Britanniques

Difficile toutefois de juger ces approches antagonistes, entre les deux rives de la Manche. Contrairement aux Etats européens, le Royaume-Uni produit une grande partie de son gaz, là où la France doit exclusivement compter sur ses importations (principalement de Norvège et de Russie, pour respectivement 36% et 20%, selon les chiffres de 2020 du ministère de la Transition énergétique).

Pour autant, grâce à son parc de centrales nucléaires, la France n’utilise que très peu le gaz afin de produire son électricité contrairement au Royaume-Uni où la demande électrique et celle pour les autres usages domestiques (chauffage, cuisine) entrent donc en concurrence.

Enfin, le gouvernement britannique reste libre d’appliquer la politique énergétique qu’il souhaite, là où son homologue français doit compter sur l’Europe. Au-delà des appels de Bruxelles à la sobriété, ou à la solidarité, les Français doivent également se conformer à la réglementation qui régit le marché communautaire de l’énergie. Des règles, visant à la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz, qui ont depuis 20 ans contribué à gonfler la facture énergétique des ménages. Une libéralisation avec laquelle les Britanniques sont familiers de longue date.

Ainsi, malgré leur production domestique de gaz, les prix de l’électricité étant indexés à ceux des cours mondiaux d’or bleu, la facture des sujets de Sa Majesté a explosé ces derniers mois. Fin août, le régulateur de l’énergie britannique annonçait une hausse des tarifs réglementés de 80% à compter du 1er octobre. Selon une étude de l’université de York, cette hausse devrait plonger dans la précarité énergétique 53 millions de Britanniques

Pour tenter d'empêcher un tel scénario, Liz Truss avait annoncé début septembre un gel pour deux ans des tarifs de l'énergie.

Maxime Perrotin