Dans un entretien publié le 16 août par le Washington Post, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est revenu sur ses choix de communication au moment de l'escalade des tensions qui a précédé l'offensive militaire russe en Ukraine.
Il a notamment assuré s'être volontairement abstenu de «préparer les gens» à l'imminence d'un conflit militaire frontal avec la Russie, expliquant qu'il disposait alors pourtant d'éléments probants en ce sens, communiqués par les Etats-Unis. D'abord pour éviter une fuite de capitaux, et plus globalement, pour préserver son pays d'une situation chaotique avant que ne débute l'opération militaire russe. «Si nous avions communiqué cela [...], j'aurais perdu sept milliards de dollars par mois depuis octobre dernier, et au moment où les Russes ont attaqué, ils nous auraient pris en trois jours. [...] Si nous [avions] semé le chaos dans la population avant l'invasion, les Russes nous [auraient] dévoré. Parce que pendant le chaos, les gens fuient le pays», a expliqué le dirigeant ukrainien selon qui le fait de ne pas avoir contribué à semer la panique dans la population a participé à la défense du pays. Dans le cas contraire, «au moment de l'invasion, nous n'aurions plus été qu'une loque, pas un pays», explique-t-il encore au Washington Post, ajoutant : «Mais nous ne sommes pas tombés dans ce panneau».
Pour rappel, jusqu'à l'annonce officielle de Vladimir Poutine d'une opération militaire dans la nuit du 23 au 24 février, Moscou avait à de multiples reprises démenti tout projet en ce sens. Lors de son allocution, le président russe a finalement justifié l'intervention de son armée en estimant qu'il était devenu nécessaire de venir en aide aux populations russophones du Donbass face à l'armée ukrainienne, et en faisant également valoir la nécessité selon lui de «dénazifier l'Ukraine».
La crainte d'une «guerre politique à l'intérieur du pays»
Au cours de cet entretien, Volodymyr Zelensky s'est ainsi félicité d'avoir fait en sorte qu'une grande partie de sa population soit restée sur place au moment du lancement de l'opération russe en Ukraine. Dans le cas contraire, il estime qu'il y aurait eu «une guerre politique à l'intérieur du pays» : «Notre gouvernement n'existerait pas, c'est sûr à 100%. Oubliez-nous», a-t-il encore confié.
D'ailleurs, le président ukrainien a détaillé auprès du célèbre quotidien américain sa vision de la stratégie russe dans la période qui a précédé le conflit militaire frontal entre les deux pays. Ainsi, il a décrit «une guerre hybride» avant que ne débute l'offensive russe : «Il y a eu un coup énergétique, il y a eu un coup politique, [les Russes] voulaient un changement de pouvoir de l'intérieur du pays», a-t-il relaté, avant d'évoquer également «un coup financier» qu'il a également attribué à la Russie.
Les tensions russo-ukrainiennes ne sont effectivement pas récentes, les deux parties s'étant ces dernières années réciproquement accusées l'une et l'autre d'actions déstabilisatrices à de multiples reprises, notamment dans le cadre de la guerre du Donbass qui, depuis 2014, a fait plus de 10 000 morts, toutes parties confondues : d'un côté l'armée ukrainienne, et de l'autre, celles des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, toutes deux à majorité russophone. Face à ce conflit qui se prolonge depuis huit ans, Moscou a accusé à plusieurs reprises Kiev de ne pas respecter les accords de Minsk qui étaient notamment censés garantir aux régions du Donbass un statut particulier au sein de l'Ukraine.
Entre Moscou et Kiev, la situation est devenue de plus en plus problématique au regard de la volonté affichée à plusieurs reprises par le président ukrainien de faire adhérer son pays à l'OTAN. Un scénario à travers lequel Volodymyr Zelensky entendait bénéficier de garanties de sécurité pour son pays, tandis que Moscou s'y est toujours opposé, dénonçant une politique d'élargissement de l'Alliance atlantique en direction de ses frontières, y voyant une trahison des promesses occidentales faites à l'URSS à la fin de la guerre froide.