Lors d'une conférence de presse ce 29 juillet tenue à Tachkent en marge d'une réunion de l'Organisation de coopération de Shanghai, le chef de la diplomatie russe est revenu sur les accusations envers Moscou proférées par Emmanuel Macron lors de ses visites au Cameroun et au Bénin.
Selon le président français, la Russie est en effet «l’une des dernières puissances impériales coloniales» et mènerait en Afrique une nouvelle forme de «guerre hybride». Le 27 juillet au côté du président camerounais Paul Biya – dont le pays, anciennement colonisé par la France, a récemment renouvelé un partenariat militaire avec Moscou – Emmanuel Macron a d'abord rappelé que la Russie était «une grande puissance politique et militaire qui a développé une relation avec plusieurs pays, comme c'est normal dans le grand concert des nations». Pour ensuite avertir le lendemain au Bénin que les alliances nouées par les autorités russes sur le continent n'étaient selon lui «pas des coopérations classiques» mais le fait d'une «présence hybride» – à la fois dans le champ miliaire et informationnel – qui «permet à la Russie de venir en aide soit à des pouvoirs politiques affaiblis, soit à des milices n’ayant aucune légitimité».
On pourrait s’attendre à des déclarations plus éthiques de la part des Français
«La France fera tout pour que ce schéma ne se diffuse pas trop, parce que je ne crois pas qu’il soit bon, en particulier pour les peuples», a encore intimé le chef d'Etat français.
«Plutôt offensant» pour les pays qui continuent d'entretenir des relations avec la Russie, selon Lavrov
«On pourrait s’attendre à des déclarations plus éthiques de la part des Français», a réagi le lendemain le ministre russe des Affaires étrangères, en référence au passé colonial de la France et à la persistance de la «Françafrique» sur le continent. «Il a dit, si je me souviens bien, à peu près ce qui suit : qu’il était préoccupé par l’activité militaire et diplomatique de la Russie en Afrique, et qu’il n’appellerait même pas cela une coopération, mais un soutien à des régimes illégitimes absolument défaillants et à des juntes», a poursuivi le haut diplomate. Sergueï Lavrov – qui rentre d'une tournée diplomatique en Egypte, au Congo, en Ouganda et en Ethiopie – a en outre appuyé sur l'offense dont se rendrait coupable Emmanuel Macron à l'endroit des pays africains qui entretiennent en toute souveraineté des relations avec la Russie : «En fait, si vous regardez la liste des pays que nous avons visités en Afrique – si c’est à cela qu’il a réagi – c’était plutôt offensant pour les Etats africains qui continuent, malgré tout, à développer systématiquement des relations avec la Fédération de Russie»
Invité à réagir sur RT France aux mises en garde du président français, Abdelkerim Yacoub Koundougoumi a jugé «inacceptable qu'en 2022, un chef d'Etat puisse venir sur le continent africain tenir des propos sur un ton paternaliste donneur de leçon et dire aux Africains ce qu'ils doivent penser, ce qu'ils doivent faire, qui ils doivent fréquenter».
Selon le chercheur associé au groupe Afrique de l'Institut prospective et sécurité de l'Europe (IPSE), «la jeunesse africaine a très mal pris cette façon dont une ancienne puissance coloniale croit avoir le droit de venir sur nos territoires, dans nos Etats, tenir de tels propos». Abdelkerim Yacoub Koundougoumi a enfin soutenu que les pays africains étaient «matures» et pris pour exemple qu'au sujet du conflit en Ukraine, le président de l'Union africaine Macky Sall avait rencontré Vladimir Poutine et «écouté» le président ukrainien Volodymyr Zelensky.