Séance chaotique, texte tronqué. Le gouvernement, privé de majorité absolue au Parlement, a subi un premier revers dans la nuit du 12 au 13 juillet sur le projet de loi sanitaire, adopté certes mais amputé d'un article clé.
L'article 2 de ce projet de loi a en effet été rejeté en fin de soirée par 219 voix contre 195, grâce à une conjonction de votes du RN, de LR et d'une majorité de l'alliance de gauche Nupes. Cet article prévoyait la possibilité, si nécessaire, de rétablir le pass sanitaire pour les voyages «extra-hexagonaux», depuis ou vers l'étranger. Une disposition permettant d'exiger ce pass pour les voyageurs mineurs avait été rejetée préalablement.
«L'heure est grave», a estimé le Premier ministre Elisabeth Borne dans la nuit. «En s'alliant pour voter contre les mesures de protection des Français face au Covid LFI, les LR et le RN empêchent tout contrôle aux frontières face au virus», a-t-elle dénoncé dans la nuit sur Twitter. «Passée l'incrédulité sur ce vote, je me battrai pour que l’esprit de responsabilité l'emporte au Sénat», a-t-elle ajouté.
«Si elle veut compter sur le Sénat, elle doit aussi recevoir par exemple les présidents de groupe du Sénat. Pour l'instant, elle les a ignorés», lui a répondu dans la matinée du 13 juillet sur France 2 le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.
«Le Parlement a fait son boulot, l'opposition a fait son travail», a réagi sur Franceinfo le député RN Sébastien Chenu, se réjouissant que le texte ait été «désossé».
«L'heure est simplement à la démocratie avec laquelle vous avez décidément un sérieux problème madame la Première ministre ! Remerciez plutôt la droite qui, à la fin, vote votre texte qui ne prévoit rien pour renforcer notre système de santé mais juste des mesures liberticides !», lui a répondu sur Twitter le coordinateur de LFI Adrien Quatennens.
Le ministre de la Santé prêt à rétablir le texte dans son intégralité
Le texte examiné en première lecture au Palais Bourbon a été adopté par 221 voix contre 187 et 24 abstentions lors du vote final dans la nuit du 12 au 13 juillet. Il doit maintenant aller au Sénat.
Le ministre de la Santé François Braun a conclu laconiquement «prendre acte» des discussions jalonnées de multiples tractations et suspensions de séance. Il a assuré qu'il s'emploierait à rétablir ce texte dans son intégralité lors de la suite du parcours législatif.
«Des débats longs, fastidieux, instructifs sur la réalité des équilibres politiques et des forces dans cet hémicycle», a résumé Raphaël Schellenberger (LR) en fin de séance.
Rémy Rebeyrotte (Renaissance, ex-LREM), a déploré une «ambiance de match de football» dans l'Hémicycle, alors que la France vient de passer la barre des 150 000 morts du Covid.
Les débats entamés le 11 juillet, qui avaient repris le 12 juillet en fin d'après-midi, ont été émaillés de tensions, de chahuts et de renversements imprévus de majorité au gré des articles et des amendements.
Ce premier texte de la législature a ainsi traduit la difficulté de manœuvrer pour le gouvernement et la majorité relative dont il dispose. Dans l'opposition, les multiples votes sur les articles et amendements ont montré une hostilité résolue du RN et de la plupart des groupes de gauche (LFI, communistes, écolos). Toutefois, les socialistes ont souvent été absents de l'Hémicycle ou se sont réfugiés dans l'abstention, les LR se montrant quant à eux parfois divisés.
Soucieux de ménager une partie des oppositions, le gouvernement et sa majorité avaient pourtant fait droit à quelques inflexions réclamées sur les bancs LR et socialistes concernant les Outre-mer. Le travail préalable en commission avait également vu le gouvernement se rallier à une échéance au 31 janvier pour les mesures du projet de loi, au lieu du 31 mars prévu dans la version originelle.
Le texte est de fait désormais réduit pour l'essentiel à son article 1, qui permet en raison d'une situation épidémique toujours fragile, de continuer à collecter des données de santé sur les tests de dépistage (dispositif SI-DEP). Deux autres articles restants, sur les modalités d'un suivi parlementaire, ont été fusionnés en un seul.
Les élus RN, LR et de gauche ont tout au long des débats multiplié les attaques contre le refus du gouvernement de réintégrer les soignants suspendus en raison d'un refus de se faire vacciner.