L'Etat a été jugé fautif le 28 juin de ne pas avoir stocké assez de masques, avant la pandémie du Covid-19. «L'Etat a commis une faute en s'abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène», a déclaré le tribunal administratif de Paris dans une décision.
Le tribunal a également décidé que l'Etat avait commis une faute en tenant des «déclarations qui ont pu avoir notamment pour effet de dissuader la population d'avoir recours à des masques».
Par cette décision, qui fait suite à une trentaine de plaintes contre l'Etat par d'anciens malades du Covid-19, la justice met explicitement en cause une partie de la gestion par l'Etat de la crise sanitaire.
Les polémiques sur les masques chirurgicaux avaient très vite émergé dans les premiers mois de la pandémie, début 2020, puis persisté lorsqu'un confinement massif avait été imposé pendant près de deux mois lors du printemps. Le flou régnait alors sur l'intérêt de porter le masque pour se protéger du Covid ou éviter de le propager.
Le gouvernement a d'abord réservé les masques aux soignants directement exposés aux malades, empêchant les pharmacies d'en vendre au grand public dans un contexte de stocks insuffisants.
Avec des réserves d'à peu près 100 millions d'unités, la France s'est en effet trouvée rapidement démunie, laissant parfois désemparés les professionnels de santé et d'autres métiers exposés, comme les caissières de supermarchés.
Le gouvernement a, par ailleurs, changé de bord au fil du temps sur l'intérêt des masques. Le Premier ministre d'alors, Edouard Philippe, le ministre de la Santé, Olivier Véran, et la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, ont d'abord tous insisté sur son inutilité pour le grand public. Mais le masque est finalement devenu obligatoire dans les lieux clos au début de l'été 2020 et s'est généralisé partout à la fin de celui-ci.
Alors que de nombreux opposants ont dénoncé un «mensonge» généralisé, le gouvernement s'en est toujours défendu, estimant qu'il n'avait fait que relayer l'état fluctuant des connaissances scientifiques sur une maladie encore largement inconnue à l'époque.
Mais pour le tribunal, l'incertitude n'était pas suffisante pour dédouaner l'Etat : depuis plusieurs années avant la pandémie, «les recommandations scientifiques disponibles [...] faisaient état de l'utilité du port de masques respiratoires par la population générale, notamment dans les transports en commun, dans l'hypothèse de la survenue d’une épidémie causée par un agent respiratoire hautement pathogène», rappelle-t-il.
La justice dédouane l'Etat sur d'autres points
Pour autant, la justice ne condamne l'Etat à rien. Car elle est loin de donner entièrement raison aux plaignants. Ces derniers estiment que l'Etat est directement responsable de leur maladie. Or, pour le tribunal, il est impossible d'établir un tel lien direct.
En effet, la justice souligne trois points : la nature «aléatoire» de la transmission du virus, l'observation qu'un masque ne protège pas à coup sûr contre le Covid et, enfin, le fait que l'Etat ait pris à l'époque d'autres mesures de nature à limiter la contamination comme l'encouragement à maintenir les distances physiques.
Certes, les plaignants accusent l'Etat d'avoir manqué à d'autres obligations que celles sur le port du masque. Ils lui reprochent ainsi de ne pas avoir assez tôt procédé à des dépistages massifs pour limiter l'essor de la maladie.
Mais, contrairement à la question des masques, le tribunal n'estime pas que l'Etat a commis des fautes. Sur les dépistages comme, autre exemple, la disponibilité de gel désinfectant, la justice juge qu'il a fait ce qu'il a pu.