France

Poursuivis pour «violences en réunion», les entarteurs de Jean-Michel Blanquer expliquent leur geste

Les deux professeurs qui ont aspergé de crème chantilly Jean-Michel Blanquer dénoncent la disproportion des poursuites à leur encontre. Ils voulaient alerter par leur geste sur la «chute libre» de l'Education nationale.

Sur leur compte Twitter «ProfsChantillyonneurs» qu'ils ont créé le 5 juin, Christophe et Olivier, deux enseignants de technologie et d'arts plastiques en collège REP (réseau d'éducation prioritaire), expliquent longuement dans une vidéo intitulée «Blanquer mousse-Montargis-Chantilly gate» pourquoi ils ont aspergé l'ancien ministre de l'Education de crème chantilly.

Jean-Michel Blanquer faisait campagne sur un marché le 4 juin lorsqu'il a reçu de la crème chantilly au visage. L'ancien ministre a dans la foulée déposé plainte. 

«Ça nous est venu comme une envie d’acheter des fraises», expliquent les deux enseignants, en référence à une formule maladroite prononcée par Sibeth Ndiaye le 25 mars 2020. Interrogée sur l'appel du ministre de l'Agriculture d'alors Didier Guillaume aux Français au chômage technique à venir «rejoindre la grande armée de l'agriculture française», Sibeth Ndiaye avait déclaré : «Il va sans dire que nous n'entendons pas demander à un enseignant, qui aujourd'hui ne travaille pas compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser toute la France pour aller récolter des fraises gariguettes.» Les enseignants étaient alors pleinement occupés à assurer le suivi pédagogique à distance en cette période de confinement.

«Comme c’est la période des fraises et qu’il y avait le marché de Montargis, on s’est dit que ce serait sympa d’y ajouter de la chantilly», explique alors Christophe. Mais au-delà de la blague potache, les deux hommes souhaitaient surtout faire passer un message. Les deux enseignants mettent ainsi en perspective la violence du geste qui leur est reproché avec la violence subie au quotidien au sein de l'institution scolaire.

«L'Education nationale est en chute libre mais M. Blanquer a, lui, son parachute pour les législatives à Montargis»

«La violence, c'est 12% d'élèves qui arrivent en 6e et qui ne sont pas capables de lire ou de comprendre un texte. Combien sortent du système scolaire humiliés, méprisés, et sans solution d'avenir?», interrogent-ils.

«La violence ce sont les agressions physiques et les insultes au quotidien [...] le manque d'adultes pour protéger nos enfants, les éduquer, les aider : pas d'infirmières, pas de psychologues, pas de surveillants en nombre suffisant. La violence c'est de mépriser les enfants et les parents en embauchant des gens non formés en 30 minutes», poursuivent-ils.

Point d'indice «gelé depuis des années» pourvoir d'achat «en berne», «l'Education nationale est en chute libre mais M. Blanquer a, lui, son parachute pour les législatives à Montargis», critiquent encore les enseignants, qui dénoncent tout autant la candidature de l'ancien ministre dans leur circonscription que son bilan au ministère.

Les deux enseignants précisent n'avoir proféré aucune insulte, scandant «La députation est une chose sérieuse !» et «Education en déroute, Jean-Michel Blanqueroute !» au moment d'asperger l'ancien ministre. «On est resté très éloigné et quelques flocons de chantilly sont arrivés sur sa casquette», racontent-ils.

Ils ajoutent vouloir détailler dans une prochaine vidéo «leurs conditions d'arrestation et leurs 8h de garde à vue».

Les deux quinquagénaires comparaîtront le 4 juillet au tribunal judiciaire de Montargis pour une audience de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou plaider-coupable. Ils devront répondre de «violences en réunion n’ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail», délit pour lequel la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement.