«La poursuite des efforts budgétaires est nécessaire au vu de la montée et de la diversification des menaces, mais la soutenabilité des finances publiques doit être préservée», a commenté le 11 mai le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport sur «la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées», alors que les comptes publics sont sous forte tension : la conséquence de deux ans de pandémie de Covid-19 et du «quoi qu'il en coûte», ainsi que du conflit en Ukraine. Pour rappel, Emmanuel Macron a confirmé au mois d'avril que la France fournissait des missiles antichars Milan ainsi que des canons Caesar à l'Ukraine.
«Des arbitrages devront être réalisés et des marges de manœuvre devront être trouvées», a-t-il suggéré alors que la LPM en l'état prévoit de porter la part des dépenses militaires à 2% du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois. Dans ce rapport, rédigé avant que la Russie n'entame son offensive militaire en Ukraine fin février, la Cour des comptes saluait une exécution budgétaire des premières années (2019-2021) de la LPM «conforme à la programmation, pour la première fois depuis deux décennies».
Vers un désengagement militaire de Sentinelle ?
Alors que le budget du ministère des Armées va de nouveau croître en 2022, à 40,9 milliards d'euros, conformément à la LPM 2019-2025 qui prévoit d'atteindre 50 milliards d'euros en 2025, la Cour des comptes estime que deux scénarios sont sur la table : «confirmer les ambitions de la LPM», ce qui «nécessitera[it] des arbitrages difficiles avec d'autres dépenses publiques» pour que la France parvienne à tenir son engagement de réduire son déficit à 3% du PIB d'ici 2027 ; ou «faire le choix de rééquilibrages majeurs entre capacités, comme ceux réalisés par le Royaume-Uni en 2021», au détriment de ses forces terrestres notamment.
«La Cour ne recommande pas que la France, puissance continentale dont l'ambition d'autonomie stratégique pour elle et l'Europe la distingue du Royaume-Uni, fasse des choix identiques, mais accentuer ses propres priorités stratégiques paraît inévitable», souligne Pierre Moscovici.
La Cour des comptes suggère notamment de «développer les coopérations opérationnelles» avec les partenaires européens, ou encore d'«envisager de se désengager de certaines missions» comme Sentinelle, sur le territoire national, qui pourrait être transférée vers les forces de sécurité intérieure. L'opération en question a été confiée à l’armée française au lendemain des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, pour faire face à la menace terroriste sur le territoire national.
Outre son coût (140 millions d'euros en 2020, qui s'ajoutent à 200 millions d'euros de dépenses de personnel), cette mission «présente l'inconvénient majeur de perturber le cycle d'entraînement des militaires et de réduire l'attractivité du métier pour les militaires du rang».
«Nos militaires doivent être consacrés à s’entraîner, pour d’éventuels conflits de haute intensité», a pour sa part commenté le sénateur LR Cédric Perrin, vice-Président de la commission des affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, estimant que le grand défaut de Sentinelle était avant tout tactique, bien avant d’être budgétaire.
«On garde un dispositif mobilisable, et s’il y a des difficultés, on peut relever le niveau», a proposé l'élu du Territoire de Belfort, ici cité par Public Sénat. «Le vrai problème, c’est qu’il faut du courage politique. Je pense que personne ne veut revenir dessus, par peur d’un incident qui pourrait intervenir le lendemain», a-t-il encore commenté.