Interrogé sur RMC le 8 février au sujet de la grande loi sécurité annoncée par Emmanuel Macron alors que le quinquennat présidentiel touche à sa fin, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, s'est montré passablement irrité par les questions de la journaliste Apolline de Malherbe, lui lançant même : «Calmez vous Madame, ça va bien se passer.»
«Votre présentation est très rapide et un peu populiste», a-t-il ajouté, avant de préciser quelques chiffres et de tancer plusieurs fois Apolline de Malherbe. Si la journaliste soulignait en effet une «hausse de la violence, des atteintes aux personnes, homicides en hausse, coups et blessures volontaires en très nette hausse, ainsi que les violences sexuelles» jusqu’à emprunter le terme «d’explosion», le ministre a donné d’autres éléments.
«Aujourd’hui, il y a une baisse de 30% sur les biens [les cambriolages]», a tenté d’avancer Gérald Darmanin au milieu d’un échange assez musclé avec son interlocutrice, qui affirmait avoir repris les données du ministère de l’Intérieur. «Vous n’évoquez même pas la baisse des biens», a-t-il renchéri face aux justifications de sa contradictrice.
Le ministre de l’Intérieur a égrené ainsi d’autres chiffres : «Moins 26% de vols sans arme, moins 25% de vols avec arme. On voit bien qu’il n’y a plus d’émeutes urbaines telles que nous les connaissions ; une lutte acharnée contre la drogue, avec des saisies record.» Il a en revanche reconnu qu’«il y a des augmentations très fortes d’atteintes contre les personnes».
Attaqué sur son bilan qu'une majorité de Français juge négatif, Gérald Darmanin a cependant bifurqué sur son mandat électif, qu’il a assuré proche des problématiques des «quartiers populaires difficiles» qui se méfient du personnel politique. Relancé une seconde fois sur le sondage cité par Apolline de Malherbe, il a simplement rétorqué être habitué aux critiques, «et c’est le rôle normal du ministre et singulièrement du ministère de l’Intérieur».
Une joute verbale qui n'est pas passée inaperçue
La passe d'armes entre Gérald Darmanin et Apolline de Malherbe n'a pas été sans faire réagir politiques et journalistes. Eric Zemmour (Reconquête!) a ainsi épinglé la politique sécuritaire de l'exécutif : «Confronté au naufrage abyssal de la politique sécuritaire d’Emmanuel Macron, son ministre perd son sang-froid avec Apolline de Malherbe. Dans 60 jours, je ferai de la protection des Français une priorité absolue.»
La députée européenne du groupe Identité et démocratie, Julie Lechanteux, a quant à elle fustigé le ton employé par le ministre de l'Intérieur : «Biberonné depuis 5 ans au langage macroniste, Gérald Darmanin a hérité du ton hautain et méprisant de E.Macron. Son bilan en matière de sécurité est CATASTROPHIQUE avec une hausse exponentielle des atteintes aux personnes. Il ne supporte pas qu'Apolline de Malherbe le rappelle !»
Raphaël Grably, chef du service tech de BFMTV, a soutenu sa consœur en tournant en dérision l'attitude de Gérald Darmanin face aux chiffres de ses propres services ministériels : «Gérald Darmanin demande donc à Apolline de Malherbe de "se calmer" parce qu'elle cite les propres chiffres de son ministère.»
Le journaliste Nils Wilcke a également exprimé son soutien à Apolline de Malherbe face à l'attitude du ministre : «[Gérald] Darmanin agresse verbalement Apolline de Malherbe quand elle le met face à ses mauvais chiffres en matière de sécurité. Sexisme, paternalisme et mauvaise foi. Soutien à Apolline de Malherbe».
L'essayiste et ancien journaliste de Marianne, Joseph Macé-Scaron, a pour sa part déploré une attitude indigne d'un ministre régalien : «Cette personne est ministre de l’Intérieur. Il se doit de donner l’exemple. Après, quand une femme va déposer plainte dans un commissariat, veut-il qu’on lui réponde : "calmez vous Madame..." Affligeant de beauferie misogyne.»
Cédric Mas, le Président de l'Institut action résilience, a relevé que, selon lui, «il suffit que la tension commence à monter pour que les masques tombent». «La manière dont Gérard Darmanin se comporte à l'égard d'Apolline de Malherbe est éloquente. Et je rappelle que c'est Macron qui l'a nommé et le maintient malgré tout à ce poste depuis des années», a-t-il ajouté.
Quant à Fabrice Epelboin, ancien intervenant à l'Institut d'études politiques de Paris, : «Le plus drôle c'est que le ministre s'adresse à la journaliste comme un flic à une personne qu'il est sur le point d'arrêter. Détendez-vous ça va bien se passer. Merci pour ce moment.»
Selon le rapport publié par le ministère de l'Intérieur le 27 janvier 2022 au sujet des chiffres sur la délinquance et l'insécurité pour l'année 2021, «les indicateurs de la délinquance enregistrée qui étaient en légère hausse sur l'année 2020, malgré le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, poursuivent voire accélèrent en 2021 leur forte tendance haussière d'avant crise». «Le nombre de victimes de coups et blessures volontaires (sur personnes de 15 ans ou plus) enregistrées augmente très fortement en 2021 (+12 %, après +1 % en 2020 et +8 % en 2019) : +14 % pour les victimes de violences intrafamiliales et +9 % pour les victimes d'autres coups et blessures volontaires», précise le rapport. Ces chiffres seront encore actualisés au mois de juin 2022.