Le député Philippe Latombe (MoDem) a dénoncé le 16 décembre à l'Assemblée nationale le choix de la SNCF de confier l'hébergement de ses serveurs sur le cloud d'Amazon Web Services (AWS), taclant au passage Orange, qui vend les solutions AWS. Au nom de la souveraineté numérique, le député vendéen entend s'élever contre le fait que des entreprises nationales, détenues tout ou partie par l'Etat choisissent des acteurs américains des GAFAM alors que les services recherchés sont disponibles en France.
La Revue du Digital révélait en effet le 8 décembre que la SNCF s'était tournée vers le cloud d'Amazon pour l'hébergement de «la quasi-totalité des 7 000 serveurs physiques et virtuels et 250 applications de son usine digitale», assurant notamment les ventes en ligne de billets mais aussi la gestion d'applications par les agents, contrôleurs ou conducteurs. Pourtant, le recours à un cloud – un système informatique faisant appel à des serveurs à distance pour accéder à des logiciels, stocker et partager des données – serait d'un intérêt stratégique, en premier lieu pour répondre aux pics de trafic lors des ventes sur internet.
La politique du «en même temps» appliquée au numérique ?
Via la procédure de question écrite au gouvernement, Philippe Latombe a donc alerté le ministre de l'Economie sur les actions et la stratégie du gouvernement en matière de logiciels de cloud, pour «favoriser la souveraineté numérique française et européenne».
Il s'est ainsi indigné du fait que «de grandes entreprises, dans lesquelles l'Etat a de très importantes participations et possède pourtant une minorité de blocage, continuent de confier l'hébergement de leurs applications et de leurs données à des hyperscalers non européens», alors que la France dispose «d'entreprises très prometteuses dont le savoir-faire technologique en matière de logiciels Iaas/PaaS est reconnu par les experts mondiaux».
Pour l'élu, «la France et l'Europe ne pourront avoir d'autonomie stratégique si les applications mises en ligne et nos bases de données reposent sur des solutions logicielles importées des Etats-Unis ou de Chine». Et de critiquer l'ambivalence du gouvernement : «L'Etat ne peut en effet prétendre à la fois vouloir soutenir l'émergence de champions européens du logiciel, à travers la stratégie nationale pour le cloud annoncée par le gouvernement le 17 mai dernier, et continuer à tolérer de tels renoncements. Est-ce cela la déclinaison du "en même temps" sur le terrain de notre souveraineté nationale ?»
«Nous avons fait le choix d’AWS, c’est un choix d’ingénierie. Quand nous avons regardé le profil de risque et les garanties de services, en toute sincérité, nous avons été convaincus. Le ratio entre coût et bénéfice était en faveur d’AWS», avait pour sa part expliqué le directeur technologie chez eVoyageurs SNCF, Arnaud Monnier, lors d'une conférence de presse du 7 décembre rapportée par La Revue du Digital.
Le choix de la SNCF d'opter pour les services d'Amazon n'est pas sans rappeler l'hégémonie des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sur le marché européen du cloud, une situation qui soulève des enjeux de taille en ce qui concerne la protection des données des utilisateurs sur le Vieux continent. Adopté en 2018, le Cloud Act permet par exemple à Washington d'obtenir, de la part des fournisseurs américains du cloud, des informations stockées sur leurs serveurs, même si ceux-ci sont situés en dehors du territoire national.