France

«Justice malade» : les professionnels de la justice en grève dans toute la France

«Justice malade» : greffiers, avocats et magistrats se mobilisent ce 15 décembre à Paris pour se faire entendre. Une manifestation a lieu à Paris devant le ministère des Finances.

Les personnels de justice se mobilisent ce 15 décembre avec une grève sur tout le territoire et une manifestation à Paris devant le ministère des Finances  : avocats, greffiers et magistrats clament leur ras-le-bol vis-à-vis des conditions de travail alors que le gouvernement a lancé ses états généraux de la justice en octobre. La protestation se regroupe autour du hashtag «#JusticeMalade» sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines.

Les organisateurs appellent à des renvois massifs d'audiences ce 15 décembre pour obtenir des moyens plus «dignes» pour la justice et contre la «souffrance au travail» des professionnels du secteur. Cette mobilisation survient quelques semaines après une tribune publiée dans le journal Le Monde le 23 novembre consécutive au suicide d'une jeune magistrate, Charlotte 29 ans qui travaillait dans le Nord Pas-de-Calais.

Ils soulignaient à cette occasion : «A plusieurs reprises, au cours de l’année qui a précédé son décès, Charlotte a alerté ses collègues sur la souffrance que lui causait son travail. Comme beaucoup, elle a travaillé durant presque tous ses week-ends et ses vacances, mais cela n’a pas suffi. Se sont ensuivis un arrêt de travail, une première tentative de suicide. Nous souhaitons affirmer que Charlotte n’est pas un cas isolé.»

Les auteurs de la tribune dénonçaient aussi la pression pour «aller toujours plus vite» dans les tribunaux et «faire du chiffre». Dans un tract commun, une intersyndicale alerte sur un déséquilibre de moyens : «Les chiffres sont têtus : en France, pour 100 000 habitants, on compte 3 procureurs, 11 juges et 34,1 "personnels non juge", incluant les fonctionnaires de greffe, alors que la médiane européenne se situe à 11 procureurs, 18 juges et 60,9 "personnels non juge".»

L'intersyndicale qui ne se satisfait ni du budget annoncé par le ministre de la Justice, ni des états généraux de la justice annonce également la couleur en réclamant d'une part «l’élaboration d’outils de mesure des besoins en nombre de magistrats et greffiers, dont la nécessité est pointée depuis 2018 par la Cour des comptes, pour rendre la justice non pas de manière dégradée, en travaillant soirs, week-ends et congés, mais pour que nos missions soient exercées conformément à ce que les citoyens sont en droit d’attendre de la Justice, et sans porter atteinte à la santé des personnels.»

Et d'autre part : «La présentation immédiate d’une loi de programmation pour les 10 prochaines années comportant des recrutements massifs de magistrats et fonctionnaires de greffe pour se rapprocher des chiffres de nos voisins européens comparables, en attendant de déterminer précisément quel est "le bon chiffre" au moyen des référentiels qui auront enfin été finalisés.» L'intersyndicale dénonce également le recrutement de «personnels précaires, pour la plupart non formés et dont le statut ne garantit pas l’indépendance», ouvrant «la voie à une privatisation de l'institution régalienne, aboutissant à placer les personnels en concurrence».

Et de comparer : «Dans le même temps, la revalorisation du statut des personnels de greffe se fait attendre. Cette évolution n’est pas sans évoquer les transformations déjà mises en œuvre dans les secteurs de l’hôpital public ou de l’éducation.»

Devant le ministère des Finances, les pancartes ont fleuri, ainsi que les robes d'avocats et de magistrats avec la présence de nombreux médias.

Différents corps de métiers de justice sont rassemblés autour de cette journée de colère.

En soutien au mouvement de grève, la cour d'assises spéciales du procès du 13 Novembre a également repris avec un retard d'audience ce 15 décembre pour attirer l'attention médiatique.