France

Candidat ou président ? Le décompte du temps de parole de Macron irrite LR

L’annonce de l’entretien télévisé du Président de la République alors que la campagne pour l’élection présidentielle est lancée n’est pas sans susciter la polémique. Valérie Pecresse s’est notamment déclarée prête à saisir le CSA.

Si l’interview d’Emmanuel Macron programmée le 15 décembre suscite le débat autour du décompte de son temps de parole comme éventuel candidat à sa propre succession, c’est Valérie Pécresse qui semble être la figure de proue de la polémique.

Et pour cause, la candidate des Républicains (LR) a vu son invitation à l’émission Face à BFM reportée en raison de l’entretien présidentiel que la chaîne a motivé de la façon suivante : «Quand le président parle, notre ADN est de débriefer, de prolonger […] Nous avons donc préféré reporter pour garder notre souplesse et réagir à l’actualité.»

LR et les Insoumis vent debout contre le procédé

Valérie Pécresse n’a pas dissimulé son mécontentement alors qu’elle se trouvait à Calais : «On ne peut pas avoir un président-candidat qui se fait ouvrir les chaînes de télévision à la demande et qui, pendant des heures, fait sa campagne alors même que ses adversaires eux doivent se contenter de cinq minutes de duplex pour lui répondre.» Elle a dans la foulée annoncé son intention de saisir le CSA : «Je demande au Conseil supérieur de l’audiovisuel de rétablir l’égalité du temps de parole et le fair-play démocratique dans cette élection.»

Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, qui vient de perdre la primaire LR face à Valérie Pécresse, lui a emboîté le pas en épinglant l’inégalité de traitement des candidats face au Président de la République qui «se fait ouvrir la 1ère chaîne de France en pleine élection présidentielle quand ses concurrents ont 5min de duplex». «C’est un acte de campagne. Le temps de parole relève du candidat pas du président. Le CSA doit rétablir l’égalité du temps de parole et l’équité démocratique», a-t-il ajouté.

Une saisine similaire avait déjà été effectuée par La France Insoumise pour l’intervention d’Emmanuel Macron du 9 novembre dernier, comme l’a rappelé Manuel Bompard sur Twitter : «Saisi après l’intervention d'[Emmanuel] Macron le 9 novembre, le CSA nous donne raison et décompte 75% de son intervention au titre du débat politique. Plus personne n’accepte les manœuvres et les petits arrangements du candidat président.»

Du côté du CSA, on se contente néanmoins de rappeler les règles en vigueur : un tiers du temps de parole total est accordé au président de la République et au gouvernement (les deux tiers restants sont alloués à tous les partis de l’opposition et à LREM). Interrogé par Le Parisien, le Conseil a ainsi simplement indiqué que «le format de l’interview ne change rien aux règles en vigueur. Hors période électorale [à compter du 1er janvier 2022], le temps de parole du président est décompté lorsque ses propos concernent le débat public. Mais pas dans le cadre de ses fonctions régaliennes».

La majorité fait bloc pour défendre Emmanuel Macron, un «président qui gouverne»

La République En Marche et le gouvernement sont quant à eux montés au créneau pour défendre l’entretien du Président de la République, au titre qu’il ne ferait qu’agir qu’en tant que «président qui gouverne» tout en dénonçant «l’hypocrisie» de ses détracteurs.

«Le président de la République, il s'exprime, évidemment que sa parole est attendue sur l'action qui est menée aujourd'hui, sur la crise aussi, sur le bilan du quinquennat ce qui a été conduit dans ce quinquennat et c'est légitime», a plaidé sur Franceinfo, le 14 décembre, porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.

Il a pris l'exemple de l'intervention de Nicolas Sarkozy qui avait en janvier 2012 participé à une émission sur huit chaînes à quelques mois de la présidentielle. «A l'époque, [Valérie Pécresse] défendait le fait […] que le président de la République puisse s'exprimer dans un contexte de crise», a-t-il rappelé en citant les propos de celle qui était alors ministre. «Elle a la fébrilité comme moteur et l'hypocrisie comme carburant parce que la réalité, c'est qu'elle dit aujourd'hui l'envers de ce qu'elle disait à l’époque», a-t-il ajouté.

«C'est plus un inconvénient qu'un avantage de ne pas être en campagne aujourd'hui pour nous parce que la réalité c'est qu'on a moins la possibilité de répondre aux critiques», a encore assuré Gabriel Attal.

«Emmanuel Macron est président de la République, élu pour 5 ans, pas pour 4 ans et demi, aujourd'hui les Français ont besoin d'un président de la République, ils ont pas besoin d'un énième candidat», a plaidé sur France 2 le patron des députés LREM Christophe Castaner.

«Que le président de la République s'interroge [sur sa candidature], c'est normal, qu'il y réfléchisse, c'est normal, mais en attendant, il veut être président de la République», a-t-il poursuivi, avant d'attaquer à son tour Valérie Pécresse, selon lui «marquée d’amnésie». «Elle veut effacer son propre passé mais en politique, il est bon d'avoir un tout petit peu de mémoire et pas de pousser des grands cris d'orfraie et d'instrumentaliser la démocratie comme les LR sont en train de le faire», a-t-il déploré.

«Je crois qu'il y a des gens qui ont envie d'être Président de la République à la place du Président de la République», a avancé, également sur Franceinfo le 14 décembre, le patron de LREM Stanislas Guerini.

L'interview d'Emmanuel, préenregistrée il y a plusieurs jours, sera diffusée sur TF1 à partir de 21h05 le 15 décembre.