France

Selon une étude, la France compterait quatre millions de «nouveaux vulnérables»

La précarité en France gagnerait du terrain et toucherait plus particulièrement les jeunes urbains. C’est ce que révèle entre autres l'étude sur la précarité post-Covid menée par le Crédoc.

Selon une étude menée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) et relayée ce 11 octobre par le journal Le Monde, 4 millions de Français ont basculé dans la précarité en raison de la pandémie. L'enquête, qui portait sur un échantillon représentatif de 3 202 personnes, montre qu’une partie de la population n'est pas sortie indemne de ces deux ans de crise sanitaire, économique et sociale.

C'est ainsi que 31 % des personnes interrogées se déclarent être aujourd'hui en situation de vulnérabilité, une augmentation de 10 points par rapport à 2018, le quart d’entre elle attribuant cette situation à la crise du Covid-19. Ramené à l'ensemble de la population, ce sont donc 8 % des personnes de plus de 15 ans, soit 4 millions de Français, qui ont, depuis le début de la pandémie, basculé dans la précarité.

Selon l'analyse faite par le Crédoc et reprise par Le Monde, les causes de cette nouvelle forme de précarité sont multiples. Il y a d'abord la situation professionnelle, avec 42 % des sondés pour qui l’accès à l’emploi est difficile : 34 % sont en contrat à durée déterminée, contre 16 % des non vulnérables, et 14 % sont au chômage, contre 6 % des autres.

L'enquête montre également que cette frange de la population a vu sa situation financière se dégrader pendant la crise, et ce, malgré les soutiens de l’Etat. Paradoxe quand on sait que l'épargne des Français s'est envolée depuis deux ans. Un constat qui est néanmoins à nuancer pour Sandra Hoibian, directrice du pôle société du Crédoc et co-autrice de l’étude. Citée par Le Monde, elle explique que «les statistiques bancaires montrent, certes, des montants considérables d’épargne constituée au long de cette crise, jusqu’à 157 milliards d’euros pour la Banque de France, mais 70 % de ce surplus a été accumulé par les 20 % des ménages les plus aisés». Au niveau santé, cette population de «nouveaux vulnérables» a été plus touchée par le virus (13 % contre 7 %) que le reste de la population et a dû, pour des raisons financières, différer des soins ou y renoncer (46 % contre 23 %). 

Sans surprise, la santé mentale de cette frange de la population s'est détériorée pendant la crise. Ils ne sont ainsi que 32 % à se considérer comme heureux, contre 73 % des non vulnérables. Citée dans l'article du Monde, Sylvie Ullmann, directrice générale de l’Espace psychanalytique d’orientation et de consultation, association qui à Paris assure en 2021 le suivi psychologique hebdomadaire de près de 600 personnes et 16 000 entretiens annuels, déclare : «A cette sortie de crise, nous observons des phénomènes de dépression, de perte de repères, de désorganisation, de flottement et de repli sur soi, comme si la pandémie et le confinement avaient déréglé le rapport au temps.»

La précarité va de pair avec l'isolement social. Comme le démontre une autre étude du Crédoc menée en partenariat avec la Fondation de France, les personnes isolées connaissent des conditions de vie plus précaires que la moyenne des Français et disposent plus souvent de bas revenus.

Un profil type de jeune urbain peu diplômé

L’étude du Crédoc identifie un profil type de «nouveau précaire», à savoir «des actifs jeunes, travaillant plutôt dans le privé (74 %) notamment les secteurs du commerce, de l’hébergement-restauration, des activités culturelles et des services aux ménages, peu diplômés puisqu’un sur deux n’a pas le baccalauréat et, le plus souvent, chargés de famille. Cette précarité concerne en majorité des Franciliens (21 %) et des habitants de villes de plus de 100 000 habitants (34 %).»

Pour Sandra Hoibian, l'étude a notamment mis en lumière le fait que «65 % de nouveaux précaires n’ont pas reçu d’aide, puisqu’il y a manifestement des trous dans la raquette de la protection sociale, et cela les rend pessimistes au point de comprendre les actions violentes contre une société dont ils souhaitent le changement radical».