France

Un ancien diplomate français visé par une enquête pour «intelligence avec une puissance étrangère» ?

Gérard Araud ferait l'objet d’un signalement pour «intelligence avec une puissance étrangère» auprès de la procureur de Paris. Son engagement avec la société israélienne NSO, l'éditeur du logiciel espion Pegasus, attirerait l'attention de la justice.

D’après une information révélée par le magazine Marianne, l'ancien diplomate français, Gérard Araud, ferait l'objet «d’importantes vérifications» de la part de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ainsi que d'un signalement auprès de la procureur de Paris pour «intelligence avec une puissance étrangère». 

Après sa retraite, l'ancien diplomate s'est mis au service de plusieurs sociétés étrangères. L'une d'entre elles était NSO, l'éditeur du logiciel espion Pegasus que plusieurs Etats auraient utilisé pour espionner des cibles françaises dont cinq ministres, un diplomate rattaché à l'Elysée et plusieurs journalistes.

Gérard Araud et NSO : une liaison dangereuse ? 

Il s'agirait de cet engagement avec la société israélienne, créateur du logiciel espion Pegasus, qui vaudrait à Gérard Araud d'être sous le coup d'une enquête. Comme l'a rapporté Paris Match, Gérard Araud a été recruté comme conseiller extérieur par l’entreprise israélienne de septembre 2019 à septembre 2020.

Dans une interview au magazine, il décrivait ainsi sa fonction : «Il m’a été demandé de mettre en place des processus de prise de décision, d’aider à établir des listes de pays selon leur fonctionnement démocratique, leurs positions géostratégiques. Puis j’ai réfléchi avec la direction aux questions et conditions qu’il fallait imposer aux acheteurs. Nous avons aussi organisé des procédures internes afin que des lanceurs d’alerte puissent se manifester sereinement et nous avons travaillé à une meilleure représentation du personnel dans les prises de décision.» 

Il reste à déterminer si Gérard Araud a franchi la ligne rouge en travaillant pour le compte d’une entreprise commercialisant des logiciels d’espionnage dont certains dirigeants français ont été victimes. Cette affaire est en tout cas fort embarrassante pour un ancien ambassadeur de France aux Etats-unis, dont la mission initiale consiste à assurer «la protection des intérêts de l’Etat et celle des ressortissants français».

Rappelons que la loi sur la transparence de la vie publique de 2013, renforcée en 2019, impose à tout haut fonctionnaire (actif ou à la retraite) nommé en Conseil des ministres, tels que les ambassadeurs, de demander à leur ministère de tutelle l’autorisation d'exercer une activité rémunérée. Cette activité ne doit en aucun cas contrevenir aux intérêts de la France, qu'ils soient diplomatiques, économiques ou bien militaires.

Un diplomate aux déclarations controversées 

Gérard Araud s'est souvent distingué par ses prises de position «peu diplomatiques». Alors en poste à Washington en 2016, il s'était montré critique vis-à-vis de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, affirmant sur Twitter qu'«après le Brexit et cette élection, tout est désormais possible. Un monde s'effondre devant nos yeux. Un vertige». Le message avait été vite effacé, Gérard Araud regrettant sans doute d'être sorti de la réserve à laquelle son poste officiel est censé le contraindre.

Dans le même registre, en 2019, l'ancien diplomate s'en était pris à RT, estimant qu'elle «n’est pas une chaîne d’information. C’est l’instrument d’une puissance étrangère. Y apparaître, c’est en être complice».

Passé par Polytechnique, Sciences Po et l’ENA, Gérard Araud fut directeur des affaires stratégiques du ministère des Affaires étrangères, ambassadeur en Israël (2003-2006) puis aux Etats-Unis (2014-2019). 

Après sa retraite de la fonction publique, Gérard Araud se reconvertit dans le rôle de consultant, offrant ses services à plusieurs organisations et entreprises privées. En mai 2019, il est nommé vice-président de Richard Attias & Associates, l’agence internationale de communication et d’événements fondée par le mari de Cécilia Ciganer-Albéniz, l’ex-épouse de Nicolas Sarkozy. Quelques semaines après le recrutement de Gérard Araud, Richard Attias & Associates remporte l'appel d'offres portant sur l'organisation de la 28e édition du Sommet Afrique-France qui se déroulera à Montpellier en octobre 2021. Un appel d'offres émit par le ministère des Affaires étrangères, c’est-à-dire l'ancien employeur de Gérard Araud.   

Début 2020, l’ancien diplomate rallie Albright Stonebridge Group, la société de conseil stratégique présidée par l’ancienne secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Madeleine Albright. Gérard Araud y déploie son savoir-faire dans de nombreux secteurs, allant de la diplomatie commerciale aux conseils en risques.