France

«Taliban du Paristan» : mobilisation nationale pour défendre la chasse et la ruralité

Des milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes de France pour défendre les chasses traditionnelles et la ruralité. Parmi les revendications, un rejet des décisions venant de Paris et la protection des traditions régionales.

A Mont-de-Marsan, comme à Amiens ou Redon, des milliers de personnes ont défilé ce 18 septembre pour défendre les chasses traditionnelles d'oiseaux (jugées illégales par le Conseil d'Etat), un «monde rural menacé» et des «traditions en danger». D'autres rassemblements étaient organisés à Caen (Calvados), Charleville-Mézières (Ardennes) et Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence).

Les végétariens et les végans n'ont pas à faire la police de l’alimentation

Au son des bandas et cors de chasse sous une pluie battante à Mont-de-Marsan, emmenés par des piboles (petites trompes) à Redon (Ille-et-Vilaine), soutenus par des élus locaux comme le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand à Amiens, des marées orange fluo – couleur des vestes des chasseurs – ont envahi les rues.

«Il y a des enfants, des femmes, toutes les générations... Les chasseurs ont été le détonateur mais toute la ruralité est là», se félicite le directeur de la Fédération des chasseurs des Landes, Régis Hargues, à Mont-de-Marsan, où un peu plus de 16 000 personnes ont défilé, selon la préfecture. Myriam, une Landaise, épouse de chasseur et de gaveur de palmipèdes, amatrice de corrida, veut pouvoir «transmettre ces traditions» aux jeunes générations. «Ce n'est pas que la chasse, c'est tout un art de vivre», glisse-t-elle. «Que les urbains nous foutent la paix !», dit un homme à côté d'elle.

«J'en ai marre de voir ma culture partir en lambeaux. On a déjà éradiqué ma langue, le gascon, maintenant ce sont les chasses traditionnelles, à l'alouette, la palombe...», déplore Eric, 47 ans, un autre Landais qui en a assez des «Taliban du Paristan» et des «idéologues de la capitale».

«J’accompagne mon père quand je peux avec mon petit frère de 12 ans. J’aime voir le travail des chiens et j’apprécie d’être en famille. C’est aussi un moment où on décompresse, où on communie avec la nature», explique Jérôme Delalande, un chasseur de 42 ans venu de Loire-Atlantique jusqu'à Redon pour manifester (10 000 personnes selon la gendarmerie, 12 000 selon les chasseurs).

Partout, les agriculteurs défendaient aussi leurs traditions, comme à Redon Catherine Lallié, pour la Coordination rurale : «Les végétariens et les végans n'ont pas à faire la police de l’alimentation. On se sent abandonnés par notre gouvernement et nos élus...», lance-t-elle.

«Pompili, casse-toi !», «Pompili, t’as rien compris, la chasse c’est toute ma vie», «Arrêtez d’emmerder les ruraux», proclamaient des pancartes à Amiens, fief électoral de la ministre de la Transition écologique où 12 000 chasseurs, pêcheurs et agriculteurs ont crié leur colère, selon la préfecture.

«Il faut respecter la ruralité et les ruraux», y a notamment affirmé le candidat à la présidentielle, Xavier Bertrand, interpellant Emmanuel Macron en ces termes : «Il dit qu’il soutient les chasses traditionnelles mais son gouvernement fait le contraire. Il faut arrêter le "en même temps" qui est une blague hypocrite qui est de chercher à faire plaisir à tout le monde. Dans la vie, il faut faire des choix et avoir des convictions ! Moi, je suis aux côtés des ruraux.»

«On a en face de nous des démagogues. On ne demandera jamais à un végan de manger de la viande, qu'on nous foute la paix ! Qu'on nous laisse vivre», a lancé à la foule le patron des chasseurs, Willy Schraen, appelant à la création d'un grand ministère de la Ruralité, «pour s'y sentir enfin chez nous».

En août, le Conseil d'Etat a jugé plusieurs techniques de chasse avec des filets (pantes, tenderies) ou des cages (matoles) contraires à la directive européenne «oiseaux» de 2009, qui interdit les techniques de capture massive d'oiseaux sans distinction des espèces capturées. Dans la semaine, le gouvernement a toutefois mis en consultation plusieurs arrêtés pour ré-autoriser certaines de ces chasses, au grand dam des défenseurs de l'environnement. Une mesure interprétée comme un geste envers cet électorat très courtisé.

La justice avait déjà jugé illégale, en juin, la chasse à la glu, qui consiste à piéger des merles et des grives sur des tiges enduites de colle, mais qui conduit à capturer aussi d'autres espèces d'oiseaux.