Est-il si loin le temps où l'actuel candidat à la présidentielle, Michel Barnier, proposait une Europe fédérale pour 2016 ? Lors des journées parlementaires du parti Les Républicains (LR) à Nîmes (Gard), le 9 septembre, l'ancien commissaire européen au Marché intérieur a déclaré, selon des propos rapportés par le compte twitter de la formation politique : «Il faut retrouver notre souveraineté juridique pour ne plus être soumis aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne [CJUE] ou de la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH]. Nous proposerons un référendum au mois de septembre [2022] sur la question de l'immigration.»
Les Echos ajoutent que lors de cette prise de parole, Michel Barnier a précisé les objectifs de ce référendum : «un "contrôle parlementaire sur les quotas d'immigrés", et "un bouclier constitutionnel" pour "retrouver notre liberté de manœuvre".» Un propos qui n'est pas passé inaperçu chez les macronistes, à l'instar de la présidente de la sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen, Nathalie Loiseau. Dans un tweet, celle-ci souligne la contradiction de l'ancien ministre de droite : «Comme négociateur européen du Brexit, Michel Barnier défendait bec et ongle la primauté de la CJUE et de la CEDH. Ou du moins on l’espère. Comme candidat à une primaire il renierait ce qu’il a défendu ? Lui qui a toujours donné du prix à la parole donnée ?»
Interviewé par le site Politico, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, s'interroge également : «Comment une telle phrase peut-elle avoir été prononcée par un Européen aussi engagé ?» L'eurodéputé Europe Ecologie Les Verts, David Cormand, estime que «la déchéance de ce qu’il reste de la droite UMP-LR est quand même sidérante». «La décomposition politique et idéologique des deux grandes forces politiques qui ont structuré pendant des décennies le paysage politique français n’en finit pas. Il est temps de passer à autre chose», propose-t-il.
Michel Barnier a aussi suscité hors de France une vague de stupéfaction en appelant à plus de «souveraineté juridique» sur la question des migrations, appelant au passage à une «mise à plat de toutes les dérives», y compris en matière de regroupement familial.
Barnier réagit en précisant que sa proposition ne s’appliquera qu’à la politique migratoire
«Des propos inouïs de la part de Michel Barnier. Ces déclarations jettent le discrédit sur le travail énorme qu’il a réalisé à Bruxelles comme commissaire européen puis comme négociateur de l’UE sur le Brexit», a déclaré la présidente du groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, Iratxe Garcia Perez. Ses déclarations ont fait en revanche le délice des tenants d'une ligne dure à Londres face à l'UE, Michel Barnier ayant milité lors des négociations sur le Brexit pour un rôle important de la Cour de justice européenne dans la mise en œuvre de l'accord de divorce.
«Epoustouflant ! Quelle hypocrisie! Le même Michel Barnier qui essayait de rabaisser le Royaume-uni en demandant un contrôle sur nos cours et nos frontières... », a lancé le député britannique conservateur Michael Fabricant. Face à la polémique, Michel Barnier a appelé au «calme», précisant que sa proposition de «"bouclier constitutionnel" ne s’appliquera qu’à la politique migratoire».
Pour l'eurodéputé hongrois, membre du Fidesz (conservateur), Hidvéghi Balázs, «Michel Barnier vient de proposer un référendum pour que la France puisse contrôler sa propre politique d'immigration». «C'est exactement ce que la Hongrie dit depuis des années : aucun bureaucrate bruxellois ne devrait pouvoir imposer des migrants à un Etat membre», ajoute-t-il.
Comme l'a relevé un journaliste, Michel Barnier avait déjà tenu des propos similaires lors de la rentrée politique du mouvement Objectif France en août. Il affirmait vouloir agir sur l'immigration, par le biais d'un référendum, avec «une main ferme, rigoureuse [et] humaniste [...] pour retrouver une capacité souveraine» face aux institutions européennes.