Certains regardent les émissions d'Eric Zemmour comme d'autres les matchs de football. Chaque vendredi soir depuis trois mois, aux quatre coins de la France, de jeunes admirateurs de l'essayiste se réunissent pour prendre l'apéritif en suivant le débat de l'émission Face à l'info, sur CNews. «Ce sont des soirées conviviales où l’on écoute en trinquant, puis on échange entre militants», explique à RT France Jean F., coordinateur en Auvergne-Rhône-Alpes de Génération Z, le mouvement de soutien à l'auteur du Suicide français (éd. Albin Michel).
Au cours de ces «Z'Apéro», comme les appellent les participants, on parle aussi des actions passées et à venir pour promouvoir la candidature du polémiste à la présidentielle 2022. Comme ce collage d'affiches qui a fait le tour des médias le 28 juin : sur des panneaux électoraux de 86 départements, dans la nuit suivant les régionales, 500 militants du mouvement ont apposé la figure de l'essayiste surplombant une mention «Zemmour président».
Le modèle unique de l'affiche a été fourni par l'«Association des amis d'Eric Zemmour», qui en a également financé l’impression via des dons. Cette structure est présidée par le chef d'entreprise François Miramont, ancien assistant parlementaire du sénateur LR Michel Mercier, désormais rallié à Debout la France. Le collage de ces affiches – initiative indépendante de la volonté du «Z», comme le surnomment les membres de son mouvement de soutien – aurait coûté moins de 10 000 euros, selon le porte-parole de l'association Antoine Diers, adhérent LR et directeur de cabinet du maire du Plessis-Robinson.
L'organisme a également été agréé par la Commission nationale des comptes de campagne comme association de financement de parti le 1er juillet au Journal officiel, sous le même nom, «Les amis d'Eric Zemmour». Elle a été déposée aux noms de deux collaborateurs d'élus LR, rapporte France Info.
De nombreux déçus de LR
Dans la galaxie des comités de soutien à l'essayiste, le responsable national de Génération Z, Stanislas Rigault, vient lui aussi de la droite traditionnelle. Il est le fondateur à Rennes du mensuel L’Etudiant libre, «publication conservatrice et patriote qui ambitionne de rassembler tous les courants de la droite», comme il l'expliquait en 2019 au Figaro. Génération Z, créé il y a trois mois, fournit les «petites mains» de la campagne encore informelle de l'essayiste. «A Lyon, on a lancé ça avec un groupe d’amis. C’est la banderole déployée à Aix-en-Provence [le 24 avril] qui m’a convaincu. Notre but est d’essayer de nous faire remarquer, par les réseaux sociaux, ces actions de collage, pour lui montrer que des gens le soutiennent. On a l’impression de faire quelque chose d’utile, on espère qu’il entendra notre appel pour se porter candidat», détaille Jean F., le responsable rhodanien de Génération Z.
Une génération qui a grandi avec Eric Zemmour
Le jeune homme, 19 ans, décrit des adhérents essentiellement issus, comme lui, de la droite traditionnelle, plus précisément de l'électorat de François Fillon en 2017. Le noyau dur est constitué «de militants des Républicains et de l’UNI, mais aussi de beaucoup de gens qui n’avaient jamais milité et qui ont trouvé un espoir de changement» dans le profil de «monsieur Eric Zemmour», comme il l'appelle à plusieurs reprises auprès de RT France. Il y a des déçus de Marine Le Pen aussi, d'anciens militants du Rassemblement national, «même s’ils sont minoritaires par rapport aux anciens de LR», ajoute le Lyonnais.
Génération Z, c'est aussi une expression sociologique désignant les personnes nées entre 1995 et 2010. Car les militants sont jeunes, parfois mineurs. «Entre 18 et 30 ans, majoritairement 20, 25 ans», témoigne Jean F., qui tient lui aussi son premier engagement politique. Sur le forum Discord où ils se rassemblent, certains disent avoir 16 ans. Dans le groupe Génération Z de la plateforme de messagerie, les nouveaux adhérents sont invités à se présenter. Pierre, 23 ans, explique vouloir soutenir «un homme cultivé» dont le «sens du passé [...] lui permet de comprendre le présent et d'envisager le futur de notre pays». Florence, 33 ans, souhaite «agir pour la France avant qu'il ne soit trop tard». Kaniel, 30 ans, assure se reconnaître «pleinement dans son discours». Au cours du mois de juin, le groupe Discord a doublé de volume, passant de 1000 à quasiment 2000 membres. Jean F. décrit ces nouveaux militants comme appartenant à «une génération qui a grandi avec Eric Zemmour, qui voit en lui une espèce d’inspirateur dans un océan de négation du réel».
L'entretien à Livre noir les a «galvanisés»
Pour beaucoup, le déclic dans leur conversion au zemmourisme, c'est l'entretien donné le 6 juin par le polémiste à la chaîne YouTube Livre noir, lancée en février par l'ex-LR Erik Tegnér. Au début de la vidéo, Eric Zemmour y semble plus proche que jamais d'annoncer sa candidature, dressant un parallèle entre lui-même et le journaliste et académicien Jacques Bainville, figure conservatrice du début du XXe siècle : «Je me dis que je ne peux pas ne pas m’identifier à cet homme que j’admire et me dire que moi aussi, modestement, j’ai depuis vingt ans annoncé, prophétisé, en vain pour l’instant, ce qui va arriver. [...] Je ne peux pas ne pas penser à moi dans les mêmes circonstances et me dire : "Oui, peut-être, il faut passer à l’action parce que la prévision, la prédiction, même la prophétie, ne suffit pas".»
Devant son écran, Jean F. bondit. Il est déjà engagé localement pour Zemmour, mais il sent que les choses s'accélèrent : «L’entretien au Livre noir, où il sous-entend qu’il pourrait s’engager par sentiment du devoir, nous a galvanisés». Les actions militantes vont toutefois connaître une pause avec l'été, «pas un temps très politique» selon Jean. Mais viendra ensuite la rentrée, au moment où Eric Zemmour devrait faire la lumière sur ses intentions, selon divers échos médiatiques. Juste avant une primaire LR à l'automne que certains cadres du parti de droite, comme Etienne Blanc et Julien Aubert, aimeraient ouvrir à l’essayiste.
Alors ira, ira pas ? «Aucune idée, mais j'ai envie d'y croire, parce qu'il est conscient du boulevard qui s’ouvre à lui pour incarner une troisième voie entre Xavier Bertrand et Marine Le Pen, qui ne sont pas des hypothèses crédibles. Et comme je ne suis sûr de rien, cela me motive encore plus pour faire du bruit et lui montrer qu’il y a un appel de personnes qui le soutiennent. On va accélérer le calendrier à partir de septembre», insiste le jeune lyonnais. Pour lui, «le seul espoir par rapport à la situation de la France aujourd’hui, c’est Eric Zemmour».