Rien ne va plus dans les rangs de la gauche. Alors que le premier tour des élections régionales en Ile-de-France est marqué par une abstention inédite (69,17%) sous la Ve République, des ténors socialistes se divisent sur le soutien à apporter au second tour.
A l’origine de cette dispute, la décision des candidats Julien Bayou (Europe Ecologie-Les Verts, EE-LV), Audrey Pulvar (Parti socialiste, PS) et Clémentine Autain (La France insoumise, LFI) de conduire une liste commune pour tenter de renverser l’actuelle présidente du Conseil régional d’Ile-de-France Valérie Pécresse (Libres !).
Emmenée par Julien Bayou, cette coalition de circonstances aspire à fédérer tous les électeurs de gauche avec une union susceptible de «tourner la page Pécresse» selon les mots du secrétaire national d'EELV. Si cette coalition a immédiatement suscité les commentaires acerbes de la droite, pour qui elle incarne l'«islamogauchisme» et l'«antirépublicanisme», des voix historiquement de gauche sont venues s'ajouter aux flots des critiques.
Manuel Valls et Jean-Paul Huchon soutiennent Valérie Pécresse
Parmi elles, celle de l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls, qui a appelé le 24 juin sur Europe 1 à voter en faveur de la présidente sortante et ex-membre des Républicains (LR) Valérie Pécresse. «Comme je suis franc, direct, je voterai Valérie Pécresse parce que je considère qu’il y a ce danger», a-t-il déclaré, faisant référence à cette coalition de gauche menée par Julien Bayou. Justifiant sa prise de position, Manuel Valls a estimé que s’allier avec LFI était «une faute morale» en dénonçant «les ambiguïtés, les compromissions de membres des listes de La France insoumise en Ile-de-France avec l’islamisme, par rapport à la lutte contre l’antisémitisme, au soutien aux policiers, sur la laïcité».
Autre coup porté à cette coalition, le socialiste Jean-Paul Huchon, ancien rocardien et président socialiste de la région Ile-de-France entre 1998 et 2015, qui a déclaré dans Le Point ce 24 juin qu’il voterait «sans hésitation» pour Valérie Pécresse afin de contrer cette alliance de gauche qu’il juge «baroque». «Voir les Insoumis et les Verts mettre en cause la laïcité, ne pas faire preuve de la fermeté nécessaire vis-à-vis de l'islamisme et de l'islamo-gauchisme m'inquiète au plus haut point. LFI et les Verts ont même participé à la manifestation contre l'islamophobie à Paris où l'on a entendu des cris "Allah akbar". Je ne peux pas accepter que cette région soit gérée par une telle alliance baroque. A un moment donné, il faut choisir», a-t-il tranché.
Pour l’ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), Valérie Pécresse est la «seule candidate qui est à même d'assurer le sérieux, l'avenir, l'espérance pour la région et son développement».
L'ex-responsable politique qui avait annoncé avoir voté pour Emmanuel Macron en 2017, a souligné que pour le chef de l'Etat, «il vaudrait mieux avoir une présidente de région sérieuse et responsable plutôt que des gens irresponsables, irréfléchis et beaucoup trop idéologues comme le sont Julien Bayou, Clémentine Autain et Audrey Pulvar. Une région ne se gère pas exclusivement de manière politique», a-t-il estimé.
Des poids lourds du Parti socialiste montent au créneau et appellent à voter Julien Bayou
Dépités par ces annonces de soutien, d'autres ténors du PS s'en sont publiquement agacés, les vivant comme une trahison. «Voilà, on en est là. Dédiabolisation des idées de l'extrême droite et diabolisation de l'écologie. Je suis socialiste. Je suis du côté de la République. Je fais le choix de l'espoir. L'aigreur est une impasse», s'est ému le 24 juin sur son compte Twitter le patron du PS Olivier Faure qui appelle à voter pour cette coalition de gauche.
Moins attendu, l’ancien président socialiste François Hollande serait lui aussi monté au créneau pour faire savoir à son entourage qu’il soutenait «dans toutes les régions de France les listes où figurent des candidats socialistes, conformément à son engagement de toujours», a rapporté l’AFP. D’après le journaliste du Monde Denis Cosnard, l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, aurait également appelé à voter pour la liste d'union de la gauche en précisant qu'il devait voir Jean-Paul Huchon pour en discuter.
Cette foire d’empoigne dans les rangs de la gauche semble bénéficier à la présidente sortante qui n’a pas manqué l'occasion de souligner cette cassure qui existe au sein du PS à l’occasion d’un entretien accordé au Figaro le 23 juin. Elle a renvoyé dos à dos l'extrême droite et l'extrême gauche en dénonçant une gauche «sectaire», «décroissante» ou encore «indigéniste et racialiste», appelant les Franciliens à faire un choix de société. «Est-ce que vous voulez la République, ou est-ce que vous votez contre la République ?», a-t-elle questionné.
D’après un sondage CNews/OpinionWay dévoilé ce 24 juin, Valérie Pécresse serait largement en tête dans les intentions de vote pour ce second tour des élections régionales. La présidente sortante obtient 43% des intentions de vote, soit 4 points de plus par rapport à ce qui avait été prévu dans un précédent sondage paru le 15 juin dernier. Valérie Pécresse compterait désormais 12 points d'avance sur cette coalition de gauche conduite par Julien Bayou qui culmine à 31% des intentions contre 27% il y a moins de dix jours.