France

L'exécutif dans l'embarras après une panne massive affectant les numéros d'urgence

Une panne massive chez Orange a été traitée dans la nuit après avoir fortement perturbé les numéros d'urgence sur l'ensemble du pays. Une réunion de crise a eu lieu ce matin et le parquet a annoncé ouvrir une enquête après la mort d'un patient.

Samu, pompiers, police : une panne massive chez Orange sur un équipement chargé d'acheminer les appels a perturbé massivement l'accès aux numéros d'urgence et aux lignes fixes le 2 juin entre 18h et minuit. De nombreux services de secours étaient difficiles à joindre à travers la France. Le réseau «fonctionne depuis minuit» mais reste «sous surveillance», notamment avec «la montée en charge des prochaines heures», a précisé un porte-parole de l'opérateur.

Le ministre de l'Intérieur Gérard Darmanin, rentré précipitamment de Tunis dans la nuit, a présidé ce 3 juin au matin une réunion de crise consacrée à cette panne. Le secrétaire d'Etat chargé du Numérique Cédric O avait lui aussi annoncé son retour «en urgence». Cette réunion interministérielle, présidée par Gérald Darmanin depuis son ministère, a rassemblé en visioconférence les préfets. 

Dans la foulée, le ministre de l'Intérieur a déploré lors d'une conférence de presse à Beauvau des «dysfonctionnements graves et inacceptables» et annoncé qu'une personne était décédée dans la soirée du 2 juin d'un accident cardiovasculaire dans le Morbihan «faute d'avoir pu joindre les services d'urgence à temps» à cause de cette panne. Le président directeur-général d'Orange a été convoqué.

Et Gérald Darmanin de préciser : «Deux autres accidents cardiovasculaires ont eu lieu à la Réunion mais je ne peux pas dire si le temps [avant l'arrivée des secours] a été particulièrement long et s'il est imputable à ce numéro d'urgence. Ce qui est sûr, c'est que les personnes ont témoigné qu'elles ont essayé d'appeler plusieurs fois et qu'elles n'ont pas réussi tout de suite à avoir des opérateurs.» Plus tard dans la journée, le Premier ministre a appelé depuis Tunis à «tirer toutes les conséquences» de cet épisode, poursuivant : «J'ai immédiatement demandé qu'une inspection soit diligentée pour connaître l'origine de cette défaillance.»

Gérald Darmanin et Cédric O étaient arrivés le 2 juin en début de soirée aux côtés de Jean Castex pour assister à un séminaire intergouvernemental franco-tunisien. Parmi les sujets centraux sur la table, les questions migratoires ou de sécurité, ou encore une rencontre co-organisée par les organisations patronales des deux pays (Utica et Medef) sur le thème du numérique.

Un incident «grave» et «rarissime»

Le PDG d'Orange Stéphane Richard a assuré ce 3 juin que «la situation» à la mi-journée était «sous contrôle» après cet incident qu'il a qualifié de «grave» et «rarissime» qui «n'est certainement pas une attaque». Il a évoqué «une défaillance logicielle» dans des «équipements critiques de réseau» pour tenter d'expliquer la panne. L'opérateur avait précédemment parlé d'un «incident technique sur un équipement de type routeur qui achemine le trafic».

Le ministre de la Santé Olivier Véran a fait savoir pour sa part à la mi-journée qu'une dizaine de régions étaient toujours affectées par la panne. «C'est instable. J'ai des remontées à l'instant de onze régions, ou dix régions, de France dans lesquelles il y a encore des appels parfois aléatoires. Pas du tout dans la même ampleur de ce qui a été perçu hier mais avec encore des difficultés», a déclaré le ministre lors d'une visite auprès des équipes du Samu de l'hôpital parisien de Necker, appelant à «absolument solutionner [ce problème] au plus vite».

Un incident d'une ampleur inédite

Dès 18h le 2 juin, des dysfonctionnements massifs ont été signalés aux quatre coins du pays, entraînant de grosses difficultés pour les services de secours. Des numéros d'urgence alternatifs, fixes ou mobiles, ont été mis en place, et diffusés sur les réseaux sociaux par les pouvoirs publics.

«Il devait être autour de 18h et tous les Samu ont commencé à alerter de problèmes dans les centres d'appels. Les gens ne parvenaient pas à accéder au service, des appels n'arrivaient pas, d'autres se coupaient en pleine conversation...», a expliqué à l'AFP François Braun, président du syndicat Samu-Urgences de France et médecin urgentiste. «Très vite, on a fait un petit tour de France et on a constaté que presque tous les départements étaient touchés», ajoute-t-il. François Braun explique que traditionnellement «il y a un pic d'appels le soir vers 19h».  

«L'incident qui impacte le réseau fixe notamment les numéros d'urgence est identifié», a indiqué Orange sur Twitter vers 21h. L'opérateur invitait les utilisateurs à renouveler leurs appels, éventuellement via un mobile, pour joindre les services d'urgence, ou d'utiliser leurs numéros temporaires. Le ministère de l'Intérieur a quant à lui annoncé la mise en place d'une liste de numéros provisoires dans chaque département. La Sécurité civile a exhorté les usagers à ne pas surcharger les lignes et à n'appeler qu'en cas d'urgence.

«Il faut qu'on puisse répondre le plus vite possible. Il y a un véritable problème de mise en danger d'autrui», a lancé sur BFM TV Patrick Pelloux, le président de l'Association des médecins urgentistes de France. 

Le parquet ouvre une enquête

L'incident a affecté de manière «partielle mais significative la réception des appels d'urgence 15/17/18/112 sur l'ensemble du territoire national», a confirmé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. Bouygues Telecom et Altice, la maison-mère de SFR, ont également fait état de perturbations. De source proche du dossier, on a exclu tout «piratage» informatique. Une panne informatique avait également touché l'opérateur belge Proximus début janvier, perturbant les numéros d'urgence en Belgique pendant toute une nuit.

En Nouvelle-Aquitaine, comme dans de nombreuses autres régions, tous les départements ont été touchés par la panne du 2 juin. Certaines préfectures, comme celles de Dordogne et Creuse, ont conseillé de se rendre dans des permanences : casernes, gendarmerie, commissariat, centres hospitaliers. «Une panne affecte les numéros d’urgence», a prévenu sur Twitter l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France. «Si votre appel au 15 n'aboutit pas, renouvelez-le sans discontinuer [...]. Ne saturez pas les lignes et n'appelez que pour des urgences établies».

«C'est inacceptable», a lancé Patrick Goldstein, chef du Samu du Nord, sur BFM TV, ajoutant : «C'est une source d'ennuis maximum, surtout quand ça touche l'ensemble des services. Tous le monde en même temps et à l'échelle nationale, c'est quand même une première.»

Une enquête administrative est d'ores et déjà ouverte et une enquête judiciaire va être demandée après le décès d'un homme de 63 ans d'un arrêt cardiaque, à l'hôpital de Vannes, a-t-on appris ce 3 juin lors d'une conférence de presse à la préfecture du Morbihan. Sa compagne avait dû conduire elle-même le malade ne parvenant pas à joindre les secours, a expliqué le secrétaire général de la préfecture Guillaume Quenet, évoquant un «dysfonctionnement inédit et majeur». Le parquet vient d'annoncer ouvrir une enquête après la mort de ce patient. «J'ouvre une enquête en recherche des causes de la mort», a indiqué François Touron, procureur de la République de Vannes.