C'est une première depuis 2007 et la candidature de Marie-George Buffet. Fabien Roussel s'apprête à porter les couleurs du Parti communiste français (PCF) à la présidentielle de 2022. Le secrétaire national de la formation de gauche, choisi par les communistes en 2018 sur la promesse qu'ils auraient un candidat à la prochaine présidentielle, a été investi le 11 avril par la conférence nationale du parti, réunie en visioconférence pour cause de crise sanitaire.
73% des votants se sont exprimés en sa faveur. Deux autres candidats, Emmanuel Dang Tran (militant à Paris XVe) et Grégoire Munck (Val-de-Marne) ont chacun obtenu 1,97% des voix. 22,48% des conférenciers se sont abstenus. «Je demande aux autres forces de gauche et aux écologistes de respecter notre choix», a déclaré Fabien Roussel après le vote, avertissant qu'il irait «jusqu'au bout».
«Travaillons ensemble dans le respect de nos diversités», a-t-il ajouté, lançant un appel à toute la gauche, partis et citoyens, pour «conclure un pacte» pour 2022. «Cela fait quinze ans que le PCF n’a pas défendu ses idées. Laissez la possibilité aux Français de découvrir une nouvelle figure à gauche, une personnalité qui représente une gauche révolutionnaire, laïque, sincère, quelqu’un qui n’est pas clivant, quelqu’un qui pourrait renvoyer aux urnes un monde ouvrier qui est actuellement dans une colère noire !», disait-il lors d'une conférence de presse avant le vote.
Manifestement, nous nous préparons, comme les autres, à diviser
Le PCF, force centrale de la gauche après la Seconde guerre mondiale, ne dispose plus que de vingt-six parlementaires et ne dirige plus qu'un seul département, le Val-de-Marne. Sur le plan local toutefois, il continue d'exister, avec plusieurs milliers d'élus locaux. Mais depuis la maigre performance (1,93 % des voix) de l'ancienne ministre Marie-George Buffet en 2007, le parti avait fait l'impasse sur les deux présidentielles suivantes, en 2012 et 2017, choisissant à chaque fois de soutenir le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Ce choix d'une candidature communiste en 2022 a fait néanmoins naître des doutes en interne. 200 cadres et militants environ avaient fait savoir leur opposition, fin mars, dans un courrier transmis à l'AFP. «La multiplicité actuelle des candidatures montre qu’en l’état, toutes ont renoncé à la possibilité d’une victoire en 2022», écrivaient les signataires du courrier, parmi lesquels l'ancienne députée européenne Marie-Pierre Vieu et les députés Elsa Faucillon et Stéphane Peu. «Il y a du trouble quand nous disons "rassembler", alors que, manifestement, nous nous préparons, comme les autres, à diviser», expliquait alors Franck Mouly, membre du conseil national, tandis que la sénatrice Laurence Cohen craignait «que beaucoup tiennent [le PCF] responsable de l’éparpillement des forces de gauche».
Des tensions irréversibles entre PCF et LFI ?
D'autant que Marie-George Buffet a déjà choisi de soutenir Jean-Luc Mélenchon, et que le député Sébastien Jumel, dont les relations avec le patron du PCF sont notoirement mauvaises, a estimé en «homme de gauche» qu'il faudrait «choisir le meilleur d'entre nous pour porter la bataille contre Macron». Mais Fabien Roussel campe sur sa position. Pour lui, devant «le climat d'angoisse et d'incertitude qui pèse sur nos concitoyens» et un gouvernement «qui a fait le choix de maintenir ses réformes», «nous voulons permettre au PCF de jouer pleinement son rôle dans le pays». Plus prosaïquement, le député André Chassaigne explique que «participer à la présidentielle est une question d’existence». «Je préfère qu’on fasse 2% l’an prochain et qu’on soit présents dans le paysage », lâche-t-il auprès de Mediapart.
Mélenchon, qui risque de perdre des voix en raison de la candidature de Roussel, affirmait en mars qu'il se sentirait «meurtri» et «affaibli» sans le soutien du PCF. Ces dernières semaines, les tensions se sont accumulés entre eux. LFI a fait barrage au PCF dans les Hauts-de-France pour les régionales, privant Fabien Roussel, qui s'y voyait tête d'une liste d'union, d'une vitrine nationale pour sa future campagne. Le rassemblement a bien été acté, mais derrière la candidate EELV Karima Delli. En Normandie, où Sébastien Jumel ambitionnait lui aussi de conduire une liste de rassemblement, PS et Verts ont décidé de s'allier, les seconds laissant la première place aux socialistes, démarche «unique en France». «Les partis de gauche disent tendre la main pour 2022 mais créent la division pour juin 2021 !», regrette Fabien Roussel.