«Sur les péages d’autoroutes, dans les gares, dans les aéroports»... Selon une déclaration du ministre de l'Intérieur en déplacement en Gironde le 25 mars, 90 000 policiers et gendarmes ont été déployés sur 19 départements, puis à travers tout le territoire national afin de faire respecter le nouveau confinement annoncé par la présidence de la République, et donc pour verbaliser les éventuels contrevenants.
Quel enjeu pour les forces de sécurité ? L'engagement est-il le même qu'en mars 2020 pour les fonctionnaires et militaires confrontés à cette mission parfois éloignée des idéaux qui les ont fait choisir cette profession de la sécurité ?
Des policiers associatifs et des syndicalistes estiment pour leur part que la coupe est pleine et que les missions qui leurs sont demandées ne correspondent pas aux besoins réels de la population.
Les flics de terrain de l'UPNI tirent le signal d'alarme
Dans un communiqué, l'Union des policiers nationaux indépendants (UPNI) réagit avec vigueur à l'annonce du déploiement de 90 000 membres des forces de sécurité pour faire respecter les nouvelles règles sanitaires étendues à tout le territoire : «Pendant que les 90 000 porteurs de glaives pourchasseront les impétrants sur les belles routes de France que croyez-vous qu'il se passera ailleurs ? La terre va-t-elle cesser de tourner ? Pas le moins du monde. Et ils manqueront ailleurs, soyez-en assurés. Là où il faudra, par exemple, effectuer des constatations de cambriolages, très nombreux en cette période durant laquelle le bon peuple quitte les centres villes. Répondre aux multiples appels police-secours. Il faudra avoir de la patience. Réprimer la délinquance routière (la vraie). Mais surtout, répondre aux défis lancés par les bandes rivales qui se font la guerre d'un quartier à l'autre au grand dam d'une population qui subit de véritables scènes de guérilla urbaine. Et sur ce dernier point, l'exécutif ne peut qu'offrir un pitoyable bilan.»
Joint par RT France, Jean-Pierre Colombiès, ancien commandant de police et porte-parole de cette association de policiers en colère, ajoute au téléphone : «De toute façon, c'est du pipeau, tout le monde sait au sein de la police qu'on ne peut pas mobiliser autant de fonctionnaires en même temps sur la durée. Ils ont autre chose à faire et en plus, l'immense majorité des Français respecte les règles sanitaires ! Il vaut mieux mobiliser les 90 000 policiers et gendarmes ailleurs, là il y en a vraiment besoin. S'ils veulent des idées de secteurs prioritaires, on peut leur en donner. Darmanin serait bien avisé d'en parler avec son ministre de la Justice, parce que lorsque le garde des Sceaux évoque le "sentiment d'insécurité", à un moment donné, ça commence à aller ! Les Français s'agacent.»
Le tandem Beauvau/Vendôme est-il fonctionnel ?
Et l'ancien policier de déplorer un «tandem» police/justice qu'il voudrait plus efficace : «Les ministères de l'Intérieur et de la Justice doivent fonctionner en tandem. Je vois des invités de plateaux télévisions pleurer sur le sort de Bernard Tapie et son épouse qui ont été home-jackés [braqués] à leur domicile, mais les Français doivent comprendre que ça se passe tous les jours dans leur pays et que parfois les gens âgés meurent sous les coups des agresseurs... Ces mêmes individus qui récidivent encore et encore sans aller au trou !»
Je n’ai jamais entendu un seul collègue me dire qu’il prenait plaisir à faire ça, tout le monde est à cran, même chez nous !
Le syndicat France Police abonde avec un communiqué à charge pour la «police politisée» déployée par le gouvernement et dénonce des mesures sanitaires «totalement impossibles à faire respecter» en citant en exemple les interdictions de consommation d'alcool en extérieur et les rassemblements à plus de six personnes ou encore la règle des dix kilomètres : «90 000 policiers et gendarmes sont déployés sur le territoire non pas pour lutter contre ceux qui dealent, violent, pillent, séquestrent, agressent, volent, torturent etc.», mais pour faire appliquer les règles du confinement. Et de jeter un pavé dans la mare : «En dressant 300 000 contraventions depuis le 18 mai 2020, beaucoup de nos collègues se sentent aujourd'hui comme des collecteurs de l'impôt Covid !»
Pour France Police, les policiers n'aiment pas les missions de contrôle sanitaire
Contacté par RT France, Antoine Villedieu, secrétaire national du syndicat France Police, précise : «Ce qu’on voudrait vraiment faire comprendre aux gens, c'est que les contrôles nous sont imposés à nous, policiers... parfois même les préfets se déplacent sur les lieux des contrôles.»
Et de déplorer l'effet de ces contrôles au sein des forces : «En toute honnêteté je n’ai jamais entendu un seul collègue me dire qu’il prenait plaisir à faire ça, tout le monde est à cran, même chez nous !»
Antoine Boitel