France

Familles de djihadistes en Syrie : des avocats demandent à la CPI d’ouvrir une enquête contre Macron

Des avocats ont déposé un dossier auprès de la Cour pénale internationale et demandent l'ouverture d'une enquête contre Emmanuel Macron pour son refus de rapatrier les femmes et enfants de djihadistes détenus en Syrie.

Plusieurs avocats et universitaires ont déposé le 30 mars un dossier auprès de la Cour pénale internationale (CPI) afin d'attaquer la décision du président français Emmanuel Macron de ne pas rapatrier les femmes djihadistes françaises et leurs enfants retenus dans des camps en Syrie, rapporte Libération ce 30 mars.

Adressé au procureur de la CPI, Fatou Bensouda, ce dossier d’une cinquantaine de pages (rédigé par les avocats Marie Dosé, Ludovic Rivière et Gérard Tcholakian, ainsi que les universitaires Camille Cressent et Augustine Atryvise) vise à interpeller la CPI sur le sort réservé aux femmes et aux enfants aujourd'hui internés dans les camps d’Al-Hol et de Roj, situés dans le nord de la Syrie, et où les conditions de détention sont particulièrement dures. Les rédacteurs souhaitent l'ouverture d'une enquête en vertu de l’article 15 du statut de l'institution judiciaire.

«Les crimes de guerre sont constitués, il n’y a aucun doute», a expliqué l'avocate Marie Dosé, citée par Libération. «Emmanuel Macron, en sa qualité de président de la République et de chef des armées, est celui qui fait le choix de ne pas rapatrier ces enfants français et leur mère, alors que les autorités du Rojava [la région kurde autonome de Syrie] l’exhortent clairement à le faire. Nous pensions que les décisions récentes de la Belgique et de la Finlande de ramener les enfants et leurs mères feraient infléchir sa décision. Mais il persiste à maintenir ces enfants prisonniers et à empêcher le jugement de ces Françaises.» 

L'opinion publique opposée à ce rapatriement 

Si une enquête devait être ouverte par la CPI, la responsabilité pénale du président français pourrait être engagée pour crimes de guerre en «qualité d’auteur», parce qu’il réfute de manière «intentionnelle» le droit des femmes à être jugées. Elle pourrait l'être également en qualité de «complices» pour la détention illégale de ces femme et celle de leurs enfants ainsi que pour les «traitements cruels et dégradants» qu’ils subissent dans le cadre de leur détention.

Début 2019, après l'une des dernières offensives menées par les forces kurdes et la coalition internationale contre Daesh à Al-Baghouz, la France avait pourtant décidé un rapatriement global de ses ressortissants. Une liste précise de 250 ressortissants français (hommes, femmes et enfants) avait même été dressée et pour plus de 160 d’entre eux, un vol de retour leur avait été assigné. «Est-ce qu’on préfère qu’ils soient dispersés, qu’ils rejoignent les rangs de Daesh ou qu’ils partent dans un autre pays pour continuer à fomenter de tels actes ?» déclarait le 30 janvier 2019 le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe. 

Face à l'hostilité d'une grande majorité de la population comme de l'opposition, le chef de l'Etat avait finalement renoncé à ces opérations, autorisant seulement les rapatriements «au cas par cas». Depuis 2019, 35 enfants (en majorité des orphelins) ont été récupérés, et il en resterait environ 200 ainsi qu’une centaine de femmes.

En juin 2019, le secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des questions humanitaires, Mark Lowcock, avait appelé tous les pays à «reprendre» leurs ressortissants. «J'appelle tous les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour que leurs ressortissants soient rapatriés afin d’être réadaptés et réintégrés, ou pour être poursuivis en justice, le cas échéant, en conformité avec le droit international», avait-il déclaré. A ce jour, plusieurs pays, dont la Russie, ont décidé de rapatrier la quasi-totalité de leurs ressortissants.