France

L'Opéra de Paris veut encourager le recrutement d'artistes «issus de la diversité»

Dans un rapport remis le 8 février, une série de recommandations propose de réviser les conditions d'entrée à la prestigieuse Ecole de danse, vivier du Ballet de l'Opéra, afin de faire «du repérage de talents» dans toute la France.

L'Opéra de Paris va revoir ses conditions de recrutement pour encourager l'entrée de davantage d'artistes non-blancs et nommera un «référent diversité» comme l'a fait récemment le Metropolitan Opera de New York. Ces annonces inédites ont été faites le 8 février par l'institution tricentenaire à l'occasion de la présentation d'un rapport sur la diversité élaboré par l'historien Pap Ndiaye et la secrétaire générale du Défenseur des droits Constance Rivière.

«Nous sommes assez fiers d'être la première grande organisation culturelle dans ce pays à avoir lancé un tel [processus] ; d'autres suivront l'exemple sûrement», a déclaré Alexander Neef, le directeur général de l'Opéra. Dès son arrivée en septembre, le responsable avait pris la question de la diversité à bras-le-corps, parallèlement à un «manifeste sur la question raciale» rédigé par des artistes et employés de la maison. Face à ceux qui l'ont accusé de s'inspirer des Etats-Unis, il a affirmé «qu'il ne s'agissait en aucun cas d'importer des concepts de diversité d'un contexte qui n'est pas le nôtre».

Le rapport a émis une série de recommandations, notamment de celle de réviser les conditions d'entrée à la prestigieuse Ecole de danse, vivier du Ballet de l'Opéra, afin de faire «du repérage de talents» dans toute la France, ou encore l'inclusion de personnes de l'extérieur dans le jury de recrutement des musiciens. Commandé il y a cinq mois par l'Opéra, le rapport recommande à l'Ecole de danse de «se projeter vers l'extérieur», alors que son recrutement repose aujourd'hui «uniquement sur les candidates et candidats qui viennent à elle spontanément». Le texte avance le principe d'auditions décentralisées, y compris dans les départements d’Outremer.

«L’objectif n’est pas que l'Ecole recrute des élèves moins bons pour satisfaire à des objectifs de diversité, mais d’aller chercher les élèves très bons partout où ils sont», souligne le texte. Pap Ndiaye a rappelé l'importance d'un «modèle» pour des enfants issus de la diversité qui seraient intéressés par la danse, la musique ou le chant. Il évoque le cas de Misty Copeland, première Afro-américaine à être nommée «principal dancer» à l'American Ballet Theater en 2015 et qui selon lui a inspiré des enfants afro-américains.

«Contextualisation» des œuvres

Il recommande également une réflexion sur les «critères anatomiques de sélection» des futurs élèves de l'Ecole de danse et de dépasser «l'idée ancienne et tenace» que les morphologies et anatomies noires «ne seraient pas adaptées à la danse classique» car «réputées pour avoir plus généralement des pieds plats» et «une musculature plus visible», alors que le ballet exigerait des pieds cambrés et une musculature allongée. Le texte préconise également d'abandonner «l’idée que l’homogénéité serait un absolu». Pap Ndiaye cite des danseurs à qui l'on a demandé, à l'Ecole de danse, «puisque tu n'es pas blanc, comment vas-tu pouvoir danser Le Lac des Cygnes ?».

Alexander Neef s'est engagé, «dès la saison 2021-2022, à une plus grande présence des artistes issus de la diversité», en «élargissant nos processus de recrutement et de sélection des artistes ainsi que nos politiques d'invitations et de commandes». Le directeur a annoncé que l'Opéra désignerait «un chargé de mission "diversité et inclusion"» qui sera «un interlocuteur référent pour les salariés». Un «comité consultatif scientifique composé des artistes de la maison et de personnalités extérieures» sera également créé dans les prochains mois pour être «sollicité sur des problématiques de diversité», de même qu'un dispositif de signalement de cas de racisme ou de discrimination.

Une organisation plus ancrée dans la société d'aujourd'hui

Alexander Neef a précisé que les stéréotypes seraient «identifiés» dans le répertoire lyrique et de ballet, et qu'un travail de «contextualisation» sera mené auprès du public. «Cela ne signifie pas que nous souhaitons réécrire les livrets», a-t-il précisé.

En décembre, il s'est attiré les foudres de l'extrême droite qui, par la voix notamment de Marine le Pen, avait dénoncé un «anti-racisme devenu fou» après des propos dans Le Monde où il semblait suggérer que des joyaux du ballet allaient sans doute disparaître. L'Opéra avait invoqué une «juxtaposition malencontreuse» de paragraphes et Neef a réitéré le 8 février qu'il ne s'agissait en aucun cas de «censurer» des œuvres.

Le directeur a rappelé les actions déjà engagées par l'Opéra : arrêt de la pratique du «blackface», choix de ne plus blanchir la peau dans certains ballets, et adaptation de la coiffure, du maquillage et des collants pour les artistes métisses et noirs. «Je suis convaincu que [ce processus] nous rendra une organisation plus ancrée dans la société d'aujourd'hui», a-t-il conclu.